dimanche 30 juin 2013

Boum


Une brève de comptoir sans  comptoir car entendue, où plutôt subie dans le rue.

Un pochtron en fin de parcours après une nuit sans fond sort de l'épicerie devant laquelle nous patientons avec un ami. Il se plante devant nous et en fin gourmet qu'il est se décapsule une canette de boisson aux céréales "spécial petit-déjeuner" au doux nom de "Koeningsbier". Il engage la conversation et se contrefiche de ce qu'on peut bien lui répondre et du fait qu'on s'en contrefout.

Après divers sujets abordés de manière plus ou moins décousue, il enquille sur le thème du vélo.

-Bien les vélos là ! J'ai un pote, y s'est acheté un vélo de bourge à tomber par terre. Le machin yla payé 2600 euros. 2600 roros ! T'imagines le truc ? Incroyable, tu touches la pédale et boum, le machin y t'emmènes où tu veux ! Comme ça, crac t'appuies et boum y t'emmène tout seul !

Allez, crac ! Nous on se casse. Boum ! Fuyons.

vendredi 28 juin 2013

Les Chariots de Feu

Des historiens, ethnologues, et autres sociologues se plaisent à affirmer que la civilisation n’est qu’un vernis fragile plaqué sur des atavismes barbares antédiluviens. En langage non universitaire, cela signifie que malgré quelques bonnes manières du style “bonjour, merci, au revoir”, durement inculquées par nos darrons, nous ne serions que des bourrins des cavernes mal dégrossis.

Le cyclisme ne dérogerait pas à la règle. Il est vrai que sous des dehors respectables, ce sport est souvent victime de réflexes quasi-chamaniques. Cela contribuerait à expliquer que la consommation anarchique de substances toxiques reste ancrée dans le comportement des compétiteurs. Sport moderne par excellence, le cyclisme se nourrit paradoxalement d’une spiritualité plusieurs fois millénaire qui le dépasse. Il en découle parfois une surprenante perte de toute rationalité et une brusque résurgence de pratiques païennes qu’on croyait disparues mais qui n’étaient que refoulées.

Cette thèse audacieuse, n’a jusqu’à présent pas été corroborée par une vraie démarche scientifique. L’increvable chercheur en vérité que je suis s’est, une nouvelle fois, dévoué. Je me suis frotté à une secte cycliste adoratrice de la “Roue-Soleil”. Née en Anjou, ce groupuscule est en quête de nouveaux/elles membres, le prosélytisme les a poussé à adopter un nom anglo-saxon plus “commercial”. Officiellement, ils constituent donc la secte des “Wheels on Fire”.

Leur corpus théologique est à leur image, simple et pouilleux dépouillé. Ils vénèrent le “Dieu-Soleil” qui sous sa forme terrestre s’incarnerait dans la roue d’un vélo. Leur croyance peut-être résumée par l’accroche suivant : “La Roue est grande (ils préfèrent le 700C) et Jalabert est son prophète !”. Peut-être les avez-vous déjà croisés car, le dimanche, ils battent la campagne à vélo et cherchent à rallier à leur cause le plus grand nombre possible de disciples. Sans grand succès pour le moment.

Chaque année, après une enième échappée, ils se réunissent dans un lieu tenu secret. Le pèlerinage se tient aux alentours du solstice d’été. Ils saluent alors le Soleil qui, au sommet de sa gloire, va bientôt infléchir sa course vers les rigueurs de l’hiver où ils feront alors pénitence. Cette longue soirée voit les démonstrations de foi se succéder à vive allure. Comme vous allez le constater en images, le feu et la symbolique de la lumière y tiennent une place centrale. Cette frénésie bacchique n’est pas sans danger et certains n’en sont pas sortis physiquement et mécaniquement indemnes. Pourtant, malgré les meurtrissures, leurs visages irradiaient de joie. Je pouvais lire sur leurs traits tirés l’extase de la révélation.

Avant de clore cette courte présentation, je tiens à dire que le pèlerinage s’est déroulé cette année dans un climat de défiance extrême à l’égard des journalistes et autres chercheurs. Comme vous le savez leur prophète est actuellement attaqué sur le terrain de la moralité. Le rassemblement ressemblait donc cette année à une démonstration de force de la part des sectateurs qui sont persuadés que le martyr de leur “Jaja” ne peut que contribuer à leur donner la visibilité et le respect jusqu’ici tant attendus. Pour ma protection, je me suis fondu dans la masse et j’ai fait profil bas.

Evidemment, en cycliste adhérant au courant rationnel et émancipateur, je n’adhère pas à tout ce fatras néo-païen. Les offrandes inutiles et barbares de saucisses et autres chipolatas carbonisées, ou encore la tentative désastreuse d’un des membres de la secte de faire un “bunny-up” au dessus d’une église me semble d’un archaïsme criant. Pourtant, convaincus d’être à l’aube d’un âge d’or de la “Roue-Soleil”, je dois reconnaître que le groupe respire une certaine joie d’être au monde et une créativité communicatives. Alors, pour apporter uune amorce de réponse à la thèse de départ de cet article, je dirai que se sont certes des "barbares" mais, leur absence de civilisation ne signifie en rien absence d'humanité. Malgré leur aveuglement religieux, ils ont su me prouver le contraire.

Le "MC" et son attirail

Une des fresques de leur temple

Un message probablement codé

Leur prophète, le grand absent de la soirée

Purification des vélos

Quelques offrandes

"Roue-Soleil"


Le démarrage canon d'un sectateur. Plus rapide qu'un correcteur du bac

La frénésie gagne

 Toujours plus de pyrotechnie

Une victime expiatoire

mercredi 26 juin 2013

Chapeau l'artiste


Hier, B. m'annonçait que pour la seconde fois en quelques-mois, il s'était fait voler son vélo. Je m'en suis fait voler deux en tout et pour tout. Il y a bien longtemps déjà. Je me suis souvenu qu'une fois, j'ai pu assister à une tentative de vol me concernant. Avant tout, il me reconnaître que j'étais un poil fautif, mon vélo n'était pas attaché.

Un soir d'été, c'était au siècle passé, je devisais avec un ami et ma compagne au pied de mon immeuble. Sur le point de nous séparer, nous en étions aux adieux quand la porte de l'immeuble s'entrouve. Quelqu'un que je reconnais comme un ami de notre voisin sort comme une fleur, un vélo à la main, plus exactement mon vélo à la main.

Un ange démon passe.

-Moi (tout pâle) : Il y a un problème, non ?
-Lui : Heu, pardon ?
-C'est MON vélo que tu tiens...
L'apprenti voleur commence alors a bégayer une excuse toute foireuse :
-Ho zu-zut, je l'ai con-confondu avec le mien !

Aussitôt, il fait demi-tour et nous l'attendons de pied ferme dehors. Quelques secondes plus tard, le voilà qui étrangement sort les mains vides. J'ai trouvé ça très fort de confondre mon vélo avec rien. Un vrai magicien.

vendredi 21 juin 2013

La bicyclette


À M. Pierre Giffard

Comme la libellule vive
Comme l'oiseau, comme le trait,
Elle accourt, fend l'air, elle arrive,
Vous frôle, passe et disparaît.

Elle s'enfuit presque aussi vite
Que l'hirondelle dans son vol ;
Elle glisse, se précipite
Effleurant à peine le sol.

Quand vient le soir, elle vous cause
Parfois le plus étrange effet,
L'effet troublant de quelque chose
Comme un djinn, comme un feu follet,

Dont la lueur falote et grêle
Va papillonnant, dans le gris,
Avec un bruissement d'aile,
Un frou-frou de chauve-souris.

C'est du prodige. Et par la plaine,
Moi qui souvent roule sans fin,
Roule avec elle à perdre haleine,
Je fais des rêves de lutin,

De farfadet subtil, de gnome,
À voir l'espace illimité
Les champs, les bois, comme un royaume
Qu'on franchit à sa volonté.


La bicyclette, Edouard de Perrodil, Les Echos.

jeudi 20 juin 2013

Haute-tension

C'est Mr. C. qui a gagné le jeu-concours du moment et qui emporte de quoi graisser ses vélos pour les 30 prochaines années. Il n'était pas le seul à avoir trouvé mais lui me l'a affirmé de visu. L'objet-mystère était donc bien un tensiomètre que vous pouvez admirer en action :
Celui que j'utilise est de la marque Park Tool. Il s'agit d'un tensiomètre sous sa forme la plus basique. Il permet donc de "lire" la tension sur un rayon. Il en existe de beaucoup plus précis. Celui-ci me suffit, je me sers du tensiomètre comme d'un outil de contrôle et d'évaluation de mon travail, et non pas d'un outil de montage en tant que tel. Tant que je m'affaire au montage, je le laisse dans sa boîte. C'est seulement tout à la fin du processus que je le sors afin d'avoir un regard critique sur mon montage. Il me sert à vérifier que j'ai bien atteint la tension "cible" que je m'étais fixée et que mes rayons ont une tension relativement uniforme.

D'expérience, j'ai déjà vu des personnes monter leur roue avec le tensiomètre en permanence à portée de main. Croyez-moi, c'est en général une gageure car on devient obsédé par ce que "dit" l'outil en oubliant la réalité "sensuelle" du montage. On s'attache comme un damné à des valeurs et on perd le fil du montage. Totalement focalisé sur le "détail" de la tension, il arrive d'en oublier que ce n'est qu'un indice de la valeur de la qualité du travail final.


mercredi 19 juin 2013

Train + vélo

Voici le gros titre du Courrier de l'Ouest du mardi 18 juin 2013 :
Angers, le voleur de vélos taguait les trains.

Bel exemple d'intermodalité poussé à son extrême !

dimanche 16 juin 2013

Club des 100 cols

Dans mon entourage vélocipédique j'en connais pas mal qui bénéficient d'un sacré coup de pédale et beaucoup plus qui brillent en par leur descente. Ceux/celles là, je les range dans le Club des sans faux-cols. Je ne connais à ce jour qu'une seule personne qui fasse partie du Club des 100 cols.

Ce club est pour le moins discret. Cela semble tout naturel tant son entrée est sélective bien que la règle du jeu soit fort simple (à énoncer). Pour être admis dans cette étroite confrérie, il "suffit" de franchir au moins 100 cols différents dont au moins 5 culminant à plus de 2000 mètres. Cette folie est née en 1972 de la volonté d'un cyclotouriste savoyard grimpeur acharné : Jean Perdoux. Ce que j'apprécie dans le Club des 100 cols c'est que la validation se fait sur la bonne foi du cycliste. La confiance règne. Il suffit que les cols soient reconnus dans la liste de l'association. Dommage pour moi, je connais en Maine-et-Loire un col de complaisance à 79 mètres. Je pars donc avec un net retard sur certain-e-s qui en sont déjà à plus de 1000 franchissements.

J'ai donc un client qui fait partie du club. A lui seul, il reflète l'état d'esprit du club et cette approche joviale du vélo. La semaine passée, l'air de rien, il m'a confié en être à 382 cols. J'ai jetté un oeil effaré à son vélo et me suis dis qu'une photo s'imposait :


C'est probablement le seul Topbike qui mérite vraiment son nom. En général, je n'ai rien contre cette marque lorsque je l'aperçois au sommet des déchèteries. Cet exemplaire est probablement le seul vélo de grandes surfaces qui tutoie ainsi les grands espaces. Savoir qu'un cycliste passe des dizaines de cols par an sur cet engin hors d'âge et presque d'usage me fait relativiser le fétichisme ambiant sur matériel et me rappelle que le plus important dans le vélo, c'est le cycliste.

Club des 100 cols

vendredi 14 juin 2013

Truc

Je vous propose de rechercher ce qu'est, et évidemment à quoi sert, le truc ci-dessous. Comme vous êtes de gros malins, je ne donne qu'un détail de l'objet en question. Le ou la gagnant-e remportera un gros pot d'un kilo de graisse au téflon (si la personne aime pas bricoler je trouverai bien une autre connerie à offrir). Tout le monde peut participer mais la seule réponse gagnante sera celle qui me sera dite "en vrai" à l'atelier.

Inutile de dire que ceux/celles à qui j'ai déjà montré l'objet pour une raison où l'autre sont exclu-e-s, de même que mes confrères et consoeurs.

C'est parti :

lundi 10 juin 2013

Petit éloge du Tour de France


Hier, je n'ai pas réussi à me réveiller pour pédaler lors de la sortie cycliste dominicale. J'ai eu un petit pincement au coeur toute la journée avec la vague impression d'avoir à la fois trahi des amitiés et d'avoir failli à ma contribution hebdomadaire au culte de la petite reine.

Pour tenter de réparer ce crime de lèse-majesté, je me suis aujourd'hui attelé à la lecture du dernier ouvrage d'Eric Fottorino : Petit éloge du Tour de France. A défaut d'y mettre mon corps, j'allais vouer mon âme du vélo. Maigre réparation, j'en ai bien conscience.

Je garde un excellent souvenir de son Petit éloge de la bicyclette, j'étais donc plein  d'entrain. Je peux le dire d'entrée de jeu, je n'ai pas été déçu et une paire d'heures auront suffit pour venir à bout de ce petit volume de 120 pages.

Je perçois Fottorino comme un incorrigible nostalgique. Pour lui, les grandes heures du cyclisme sont derrière nous et surtout, elles se sont déroulées lors de son enfance et son adolescence. A la fois me direz-vous, chez quel nostalgique ce mal ne va pas se nicher dans ces périodes, en général, heureuses de la vie ?  En tous cas, on sent un certain plaisir de l'auteur à se laisser aller à la mélancolie du "c'était mieux avant". En littérature, comme dans la vraie vie, ce genre de penchant peut parfois m'être pénible, surtout qu'il est fréquemment assorti d'idées conservatrices et réactionnaires. Ce n'est pas le cas ici et, très rapidement, je me suis surpris à remplacer les noms des coureurs de son enfance par les héros de la mienne. Quand Fottorino parle des casquettes Michelin distribuées par la caravane du Tour, je ne peux m'empêcher de me revoir dégustant, sur le bord d'une route de campagne mon premier Milky Way, conquis de haute lutte lors d'une étape de plaine menée à un train d'enfer. Il s'avère que même si le Tour a indéniablement bien changé, nos projections de spectateurs sont indéfectiblement restées les mêmes. Enfant, Fottorino endossait à chaque sortie le maillot Bic d'Ocaña, moi, quelques années plus tard, je me prenais pour Laurent Fignon mais la vraie idole reste toujours le Tour. Le tout fourmille d'anecdotes pas forcément inédites mais qu'on prend plaisir à redécouvrir sous sa plume, l'air de rien le bonhomme visite un paquet de mythe du cyclisme.

Le style est fluide, les bons mots sont légions, il y a une certaine proximité intellectuelle avec l'approche du vélo de Paul Fournel. On sent le même rapport charnel au vélo et pour cause, Fottorino se prépare cette année à parcourir le même parcours que les pros, pas juste une étape, toutes les étapes. Il faut un amour de la bicyclette sérieusement teinté de masochisme pour se lancer dans un tel projet. Mais c'est peut-être ce mélange qui caractérise tous les cyclistes.

En somme, un bouquin à lire vite fait dans le train avec le vélo qui se balance doucement dans le compartiment...


Petit éloge du Tour de France, Eric Fottorino, Folio, 2013, 2 euros.

dimanche 9 juin 2013

Passerelle


Le vélo est superbement adapté au monde post-pétrole (puisqu'il le précède).

Paul Fournel, Vélo et énergies, Passerelle n°9, mai 2013

vendredi 7 juin 2013

La Douloureuse


Il y a longtemps que je tergiverse à vous expliquer combien je gagne et dans quelles conditions pratiques je tire ma subsistance. J’ai procrastiné. Heureusement pour vous, cette semaine une discussion animée avec un client sur la question de mon tarif horaire m’a convaincu de dévoiler tout cela à vos regards concupiscents. Ce billet commence sous les meilleures augures, je viens de caser le mot le plus drôle de la langue française. Les derniers garde-fous étant tombés, voyons ce que le fou va nous raconter.

Je sais que beaucoup de client-e-s, croient qu’au niveau du temps de travail, je m’en tiens aux horaires officiellement affichés à l’atelier, ce qui doit correspondre à 36h30 par semaine. En réalité, j’arrive bien avant l’ouverture officielle (11h le matin). En général, je suis présent vers 9h30, luxe suprême lorsqu’on est un gros dormeur comme moi. Lors de ce temps matinal, je suis peu dérangé et je mets donc à profit cette relative tranquillité pour effectuer des tâches où j’ai besoin, sinon de concentration, à tout le moins de calme. Je peux ainsi en profiter pour faire de la comptabilité, passer des coups de fils auprès de grossistes, m’atteler à une réparation délicate et/ou nouvelle, me documenter. Malgré tout, je le concède, je regarde parfois une ou deux vidéos de chatons sur internet. Vous comprenez que ce moment m’est précieux et que ce n’est pas parce que j’ai l’air endormi que je ne suis pas productif, c’est même exactement le contraire. Je vous prie donc dans la mesure du possible de protéger cette tranquillité. A contrario, à partir de 16h30, il y a du passage à l’atelier, beaucoup de clients passent récupérer leur vélo à la sortie du travail. C’est donc un moment de la journée plutôt dévolu à l’accueil. La fatigue s’accumulant, c’est aussi le moment cruel où mon cerveau peine à se connecter à mes mains. Je ne suis alors plus guère bon qu’à réparer des crevaisons le regard hagard rivé à l’horloge.

En faisant un décompte plus réaliste, je travaille environ 44 heures par semaine. C’est beaucoup pour moi, mais je pense que nombre d’artisans m’envient ou me traitent de feignasse : ce qui, vous en conviendrez, revient strictement au même. De plus, depuis l’an dernier, je me suis fixé pour objectif d’avoir environ 5 semaines de vacances par an, avec une bonne coupure de 3 semaines en été, histoire de prendre du recul et de projeter de nouvelles envies pour l’atelier. De manière générale, je ne suis pas en mesure de me rétribuer pendant ces périodes de congés. J’essaie de claquer moins de thunes et je savoure le plaisir de la glande, matière première inépuisable et totalement gratuite que j’affectionne au plus haut point.

Je me paye actuellement 1200 euros par mois. Etant donné que je ne me rétribue pas pendant les vacances, si je lisse sur l’année ce “salaire” la réalité est plus proche des 1100 euros par mois. Pour l’année prochaine, mon objectif serait de me payer 1200 euros toute l’année. C’est pas gagné mais ça me semble jouable. Pour compléter mes revenus, je place mon argent en bourse avec une préférence pour les actions Dassault, la CAF dans sa grande bonté me versait le trimestre dernier 49 euros 33 de RSA d’activité. Si je suis un peu cynique quant à la CAF, c’est qu’elle refuse de me verser une allocation logement parce que “mes revenus sont trop élevés”. En fait, la CAF confond le chiffre d’affaire de l’atelier avec mes revenus propres. Impossible de leur en faire démordre. J’en suis presque venu à me persuader d’être un nabab. Plutôt que la fraude, ça me fait dire que le vrai scandale concerne tout l’argent que la CAF ne reverse pas à des personnes qui pourraient y prétendre, mais ceci est un autre débat.

Il est intéressant de jouer un peu avec les quelques chiffres en présence. Concentrons-nous sur les revenus issus de mon travail un mois quelconque, c’est à dire 1200 euros. Si je divise cette somme par les 176 heures de dur labeur mensuel, j’en arrive à 6 euros 82. En clair, chaque heure de travail me rapporte 6 euros 82. Officiellement, mon tarif horaire est de 30 euros par heure. D’aucun-e-s trouvent cela élevé. Peut-être croient-ils/elles vraiment qu’il m’est possible de facturer 176 heures de mécanique en un mois sans aucun “temps mort” (ce qui représenterait un total de 5280 euros !) ? En plus, cette somme de 6 euros 82 , je ne la dois pas à mon seul travail manuel parce qu’une large part du chiffre d’affaire de l’atelier provient de la vente des pièces et accessoires. Peut-être qu’un jour j’aborderai cette partie là de mon chiffre d’affaires pour expliciter quelques petites choses.

Sur les mois de février, mars, avril 2013, j’ai déclaré 2505 euros de main d’oeuvre (dont, soit dit en passant j’ai reversé 576 euros au titre des charges). A 30 euros de l’heure ça représente 83 heures 30. Il devient presque ridicule de mettre côte à côte mon temps de travail effectif et mon temps de travail facturé. En effet, sur la même période, j’ai passé 528 heures à l’atelier. Grosso mierdo je facture 1 heure pour plus de 6 heures passées à l’atelier. Vous m’excuserez une nouvelle fois de ne pas exclure de ce savant calcul le temps passé sur internet à regarder des chatons dans leur panier...

Plus prosaïquement cette disproportion mérite explication. Il est rare que je facture la totalité du temps passé à une réparation. Déjà, parce que si je suis souvent interrompu ou que je dois effectuer d’autres tâches ce compte devient malaisé. Surtout, je ne facture pas le temps passé à simplement observer le problème mécanique qui se présente à moi. En apparence, je suis aussi actif qu’une tortue en plein hiver, pourtant mon esprit essaie de percer les mystères de la matière. Il y a différentes approches en mécanique, la mienne pourrait se résumer en un adage comme “plutôt réfléchir que nuire”. C’est une posture certes gourmande en temps mais qui évite souvent de lourds désagréments dûs à la précipitation. Il y a peu, j’ai passé une après-midi entière à chercher ce qui foirait sur un moyeu Rolhoff flambant neuf (merci d’ailleurs à M. pour le coup de patte final). Je crois avoir facturé 2 heures de travail, la réalité était plus proche des 5 heures.

Parfois, si je ne facture pas tout c’est également parce qu’il ne serait pas décent de demander 60 euros de main d’oeuvre sur un tas de ferraille dont la valeur réelle est de l’ordre de 5 euros sur Le Bon Coin. Sans compter que la plupart des client-e-s ne sont pas prêt-e-s à assumer un tel coût d’entretien. Il y a une tension assez délicate à manipuler dans mon boulot : j’ai besoin de travailler mais parfois j’accepte des travaux à l’extrême limite de la rentabilité. C’est particulièrement vrai l’hiver quand l’activité est au ralenti où je vais parfois accepter des challenges qui de toute évidence sont des hérésies économiques. Mais, j’ai besoin de rentrer un peu de maille quitte à compter peu de main d’oeuvre, plutôt que de me tourner les pouces en pleurant sur mon sort. Il n’y a pas d’équation qui permettrait d’exprimer cette tension, il y a trop de facteurs fluctuants. Au début de mon activité ce ratio temps passé/temps facturé était encore plus à mon désavantage. J’étais probablement plus lent mais aussi j’avais beaucoup de mal à faire abstraction des autres détails qui clochaient sur le vélo que j’avais entre les pognes. Vous pouviez me confier le vélo pour un problème de vitesses et je vous le rendais avec en sus et gratos un graissage du pédalier qui faisait “couic”, un ajustage de la direction qui faisait “clong” et ainsi de suite. Aujourd’hui, si je m’efforce toujours d’en faire un petit peu plus que la demande originelle, j’évite de me sentir obligé de transformer une vieille poubelle rouillée en “bicyclette vintage”. Au diable le perfectionnisme maladif et l’auto-exploitation !

Sans parler du temps facturé, il arrive aussi parfois de taire le compte d’heures réelles passées parce que le client va se dire que si un type passe tant de temps sur une réparation c’est qu’il doit être un incapable notoire. Faiblesse de la chair, le mécano-vélo aussi est doté d’un grand amour-propre et comme mes congénères je me crois le meilleur au monde et rien ne pourra m’obligé à reconnaître que j’en ai chié et que j’ai bien failli en pleurer de désespoir.

Bon, je crois que vous en savez un peu plus sur mes conditions de travail. Je tiens à rappeler que ma situation reste malgré tout assez atypique dans l’univers du cycle. A ma connaissance, nous sommes assez peu à ne faire que de la réparation/vente de pièces et accessoires et à ne pas vendre de vélos neufs. La gueule déconfite des représentants de commerce qui passent le seuil de l’atelier pour la première fois en est la preuve éclatante et poilante de ce côté décalé. Quoi qu’il en soit, j’espère que ces quelques chiffres pourront offrir des pistes de réflexions à d’autres qui voudraient se lancer dans l’aventure et aimeraient savoir à quelle sauce ils/elles vont être mangé-e-s. En plus, cela me permet de faire comprendre qu’une grande partie de mon travail est invisible aux yeux de mes client-es. Rendre mon activité plus compréhensible, c’est indéniablement un petit plus pour la valorisation des mes compétences et savoirs.


ps > La personne a qui j’ai demandé de faire une relecture de ce billet s’est contentée de dire un truc du genre : “C’est des foutaises tes calculs à la con, le vrai truc c’est que pour toi l’argent c’est sale et que tu te résouds pas à faire payer les gens à cause de ta sale mentalité judéo-chrétienne “! Je dois reconnaître que c’est une piste qu’il me faut explorer mais vous me permettrez de le faire de manière privée.

mercredi 5 juin 2013

Shimagnolo


Il y a longtemps qu'on ne vous avait pas proposé un atelier d'échange des savoirs. la culpabilité nous rongeait doucement de l'intérieur... En conséquence pour nous mettre en accord avec nos âmes, l'association La Tête dans le Guidon, vous convie à un atelier tout ce qu'il y a des plus classique pour apprendre à règler un dérailleur arrière indexé. C'est ouvert à tous les niveaux, surtout si vous y comprenez que dalle...

Si vous  ne pas comprenez le jeu de mot du titre de ce billet cet atelier est pour vous. Par contre, si la blague te semble tout ce qu'il y a de plus classique, je n'ai probablement rien à t'apprendre en matière de dérailleur...

Si vous êtes interessé-e, envoyez-moi un petit mail. L'atelier sera à prix libre et se tiendra comme d'habitude au "21". Rdv à 10h30 le dimanche 23 juin.


dimanche 2 juin 2013

Ego en carton

J'ai reçu un beau cadeau fait-main de la part de B. Ce petit machin de carton plié est criant de vérité. Le code couleur bleu-noir est respecté, le fouet à chaîne très réaliste, etc. Le seul détail qui pêche c'est le nez. De l'avis général, il n'est pas assez gros... Merci d'avoir ménagé mon ego !


ps > Merci à tou-te-s pour votre soutien !