dimanche 26 mai 2013

Ivres de la jungle

La nuit dernière certains cyclistes ont tenté tant bien que mal de se muer en hommes des bois. Cette virée dans la Jungle a rassemblé une poignée d'inconscients. Le départ étant donné dans l'après-midi, votre dévoué serviteur était attaché à vous servir à l'atelier. Ce n'est qu'à la fin d'une rude journée de labeur que T. et moi sommes partis à leur recherche. Nous avions tous les deux dans l'idée de pique-niquer là-bas puis de rentrer dans le nuit, laissant donc nos naufragés volontaires profiter de l'humidité et de la froideur forestière. Cette petite boucle de 80 km fut fort agréable. Rouler la nuit procure des sensations particulièrement grisantes : les reliefs sont lissés, l'impression de vitesse est multipliée, les bruits, les odeurs et les sensations prennent plus de place qu'à l'accoutumée. J'adore. Voici un aperçu de notre safari photographique.

Ceux et celles qui parcourent avec un peu d'attention ce blog savent bien que je compte un jour où l'autre être la personne qui aura le plus photographié la Loire depuis son vélo. Le modèle est parfait quand on est nul en photo. Un sujet suffisamment grand et majestueux pour se passer d'une quelconque tentative de cadrage.

Le vin va-t-il lui aussi couler à flot cet automne ? Voilà une question d'un suspense haletant.

La nature, c'est dangereux et il faut s'en protéger. Alors,quelle idée d'aller se fourrer en forêt la nuit ?

Encore un message de quelqu'un qui me veut du bien et m'intime l'ordre de m'abîmer dans le fossé plutôt qu'au fond des bois

En toute honnêteté, le bivouac ressemblait plus à un bidonville qu'à un camp de trappeurs canadiens : des hamacs, de la bâche de camion, une ou deux tentes-même-pas deux-secondes. La seule chose qui pouvait évoquer des hommes des bois c'était les quelques bouteilles d'alcool frelaté qui traînaient/trônaient ça et là pour, en cas d'urgence, faire oublier le froid et la solitude.

Plus positivement, le plancher de la "cabane" me plaisait beaucoup : chaud et lumineux. Vraiment sympathique. Pendant trente secondes j'aurais même pu me prendre pour Thoreau.

Mais le plafond laissait sérieusement à désirer. Je me suis donc très vite ravisé. La vie dans les bois me fout les pétoches. A chaque (rare) nuit en forêt, j'ai l'impression que le pire va m'arriver. Dans ma tête d'urbain, le pire est totalement irrationnel et absolument dantesque. Et hier, ce ne sont pas les hurlements sauvages d'un clébard que j'imaginais molossoïde qui m'aidaient à me décoincer le prout. C'est simple, j'étais entouré d'amis mais j'avais toujours l'impression d'être épié. Un peu comme ça :

Pour la qualité de mon sommeil, il était donc plus sage de se remettre en selle et de regagner le confort de ma couche. Cependant, avant de nous en retourner à la civilisation, T. et moi avons fait notre possible pour les persuader d'abandonner leur folle entreprise de passer la nuit dans un lieu si hostile. Tout en leur parlant, je voyais bien que leur regard était vide. Sous l'emprise malsaine de la forêt ces esprits simples avaient abdiqué toute humanité. La mort dans l'âme nous les avons abandonné à leur triste sort.


Epilogue :
Aujourd'hui, j'ai croisé l'un d'eux. Je n'ai pas eu besoin de lui adresser la parole pour comprendre ; aux cernes sous ses yeux ; qu'il était probablement le seul survivant. Un survivant dans un tel état de choc qu'il lui était impossible de témoigner. Paix à leurs âmes.

Aucun commentaire: