La littérature ouvrière italienne des années 70 porte souvent le souvenir lumineux d'une jeunesse que le dénuement n'atteignait pas. C'est le cas ci-dessous pour cet extrait du livre de Tommaso di Ciaula. Alors ouvrier dans la région des Pouilles, il livre de courtes strophes sur sa vie dans et à l'ombre du "dragon-usine" : des espoirs de sa classe lucidement teintés de pessimisme. Une écriture douce-amère sans faux-semblants, tranchante comme les machines qu'il manipule.
Qui peut oublier certaines promenades à bicyclettes : par groupes le long des sentiers lunaires en respirant la brume bleue tandis que chantaient les grenouilles et les oiseaux de nuit. Nous maraudions dans les arbres chargés de fruits et, quand nos ventres n'en pouvaient plus, il y avait de la place dans nos poches et dans nos maillots ; une fois en sautant le mur, la poitrine pleine d'oranges, un copain tomba à l'intérieur du jardin. Le propriétaire le rossa. D'autres fois on emportait du pain et du vin et on restait dehors toute la nuit. Il y en avait qui dormaient, d'autres racontaient des histoires de fantômes, quelques-une exploraient la campagne à la recherche de bois pour faire un feu de joie. Le matin, quand on se réveillait, on aurait dit le premier matin du monde, on se sentait vrai et heureux. Au diable l'usine et ceux qui l'ont inventée.
Tuta blu (Bleu de travail), Tommaso di Ciaula, 1978 pour l'édition italienne.
2 commentaires:
Beau texte !
Oui et le reste est dans la même veine !
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