vendredi 5 février 2021

Farpotshket

De manière implicite ma profession attend des client-e-s le respect de certaines règles de bienséance. Elles sont délicates car tout à fait implicites. Leur connaissance ou leur ignorance changera radicalement l'attitude des mécano/as auxquel-le-s vous aurez affaire. Comme toutes règles vous pourrez plus où moins les enfreindre et vous en affranchir mais si vous voulez vous jouer des codes, mieux vaut le faire en connaissance de cause.

Par exemple la demande suivante : "Je peux regarder comment vous faites ?" vous fait franchir une ligne jaune invisible. C'est encore anodin mais cela ne va pas contribuer à détendre vos relations. La raison principale de cette légère crispation est qu'avoir quelqu'un-e à traîner dans vos pattes va être source de gêne, de perte de temps et de désorganisation. Qui plus est si "regarder" c'est aussi poser des questions vous allez être une réelle source d'agacement. Réparer des vélos a beau être une activité dite "manuelle" il faut un cerveau connecté aux mains et donc un minimum de concentration et de suite dans les idées. Sans compter que parfois une simple réparation part en cacahuètes et que la facilité apparente peut laisser la place à des pratiques moins orthodoxes et peu présentables. Cette répugnance à travailler sous un oeil curieux (voire parfois inquisiteur) va sûrement bien au-delà de mon métier. Qui aime qu'on le regarde travailler ?
 
Puisque je suis lancé je vous confie une règle plus importante à respecter. Il s'agit même d'un tabou. Ne dites jamais QUOI faire à un-e mécano/a. C'est le moyen le plus sûr pour le fâcher à tout jamais.
 
Si vous saviez vraiment quoi faire pour réparer votre spad cela signifie concrètement que vous pourriez vous passez des services de la personne aux pouces noirs, n'est-ce pas ? Si ce n'est pas le cas, alors un conseil avisé : fermez-la. Autant vous pouvez à loisir critiquer le résultat, autant vous devez laisser l'appréciation des moyens et méthodes à mettre en action à celui ou celle dont c'est le métier.

Mais je digresse car ce dont je voulais vous parler ici est un sujet un peu moins clivant que le cas précédent. Il s'agit de quand le/la mécano/a doit passer "derrière" le client. En effet, si vous avez essayé de résoudre le problème et que vous passez le seuil d'un atelier, c'est d'expérience parce que vous avez plus où moins gravement merdé. Peut-être avez-vous carrément niqué le bousin ? Je déteste cette situation où je constate que d'une panne mineure qui aurait pu être réglée à moindre frais on passe à une casse matérielle qui va demander beaucoup de temps, d'énergie et aussi de tact quand je vais devoir vous expliquer que vous êtes responsables de votre petit malheur. J'ai déjà parlé ici du grand classique consistant à vouloir réparer les freins à disques en déversant de l'huile sur ses divers éléments (souvent avec l'intention de les rendre silencieux). Résultat ? Direction la poubelle pour les plaquettes et les disques !
 
Sachez que j'ai eu la joie d'apprendre un nouveau mot pour décrire ce genre de situations. Il s'agit d'un terme yiddish : farpotshket.
 
La définition pourrait être la suivante : acte de casser quelque-chose en tentant de le réparer. En tous cas l'idée d'aggravation du problème est essentielle à la compréhension du mot.
 
C'est très satisfaisant pour moi d'être désormais doté d'un outil efficace qui me permettra de vous dire délicatement que "vraiment vous avez chié".

2 commentaires:

Guillaume a dit…

Je ne peux m'empêcher de laisser ça là :
https://cdn.shopify.com/s/files/1/2600/5818/products/5836-Mechanic-hourly-rate-M_1024x1024.jpg?v=1571215213

On en trouve en plaques émaillées (je n'ai pas encore trouvé de version française ceci dit)... Un must-have dans l'atelier, à n'en point douter.

La Tête dans le Guidon a dit…

Oui, dans le mille !