D'ailleurs, le dernier type avec lequel elle était sortie un peu durablement avait eu chaud. La quarantaine déplumée, Thierry gagnait sa vie en réalisant des diagnostics énergétiques et occupait son temps libre entre une famille décomposée, un abonnement Netflix et une amicale de cyclistes avec laquelle il projetait depuis deux ans maintenant une hypothétique ascension du col du Galibier. C'était un garçon calme et prévenant, qui ne payait pas de mine et n'inquiétait personne. Sauf qu'un soir, alors qu'il matait le JT et que Rose était au téléphone, il lui avait dit de la fermer, au motif qu'elle l'empêchait d'entendre ce que racontait Delahousse. Il s'était ensuivi une dispute brouillonne, avec la télé en bruit de fond, et à un moment, Rose avait senti que Thierry n'était plus très loin de lever la main. Elle avait reconnu cette crispation sur son visage, cette laideur des hommes dépassés. C'était toujours la même histoire. On touchait l'orgueil et c'était le poing qui tombait. Finalement, Thierry s'était contenté de foutre le camp en faisant claquer la porte derrière lui.
Nicolas Mathieu, Rose Royal, Babel, 2021.
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