Nous sommes en fin d'hiver, le sol de Rambouillet est boueux. Après environ soixante kilomètres à vélo, nous arrivons sur un terrain sableux. Rien de pire que d'avoir l'impression d'avancer dans le vide et de déraper en permanence, cas classique du pédalage en force sur du sable si meuble. Je n'en peux plus.
Alors qu'un bouquet de charmes forme une voûte au-dessus du chemin, voilà que mon vélo déraille. Arrêt obligatoire, découragement. Mes amis sont devant. Presque désespéré, je lève la tête et je suis pris d'un sentiment très étrange. Comme une évidence. Je sais que je veux travailler dehors, peut-être avec les animaux forestiers d'ailleurs. Il m'est arrivé de rencontrer un sanglier dans un parc où il n'était pas censé se trouver. Depuis, j'y pense souvent. Ma vocation est là, dans la nature.
Il faudra que j'y pense plus sérieusement.
Je remets ma chaîne sur le dérailleur et je lève la tête une dernière fois avant de repartir. Et c'est là que je remarque ce chêne sur ma gauche. Majestueux. Il a pris sa place, celui-là. Il "savait" dès tout jeune à quoi il était destiné. Pousser. Grandir vers la lumière et prendre sa place, pour durer le plus longtemps possible. Au moins, lui n'a pas à se poser de questions sur son avenir. D'ailleurs, en serait-il capable ? Ce n'est qu'un arbre après tout.
Un simple arbre.
Et c'est ainsi que je rencontre Quercus pour la première fois...
Être un chêne, sous l'écorce de Quercus, Laurent Tillon, Actes Sud, 2021.
ps : Les mécano/as laisseront à l'auteur le bénéfice du doute quant au passage "je remets ma chaîne sur le dérailleur". Il est très probable qu'il s'est agit de remettre la chaîne "sur les pignons". Cela n'enlève de toutes façons rien à la grande qualité de ce livre.
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