lundi 2 septembre 2019

Ma préférence à moi


Il est peut-être incongru d'utiliser le titre d'une chanson de Julien Clerc pour introduire un billet sur Julien Gracq, mais vous verrez que l'opposition des styles n'est pas insurmontable, si on veut bien s'armer d'un peu de mauvaise foi.

La Maison Julien Gracq de Saint-Florent-le-Vieil réinvente Les rencontres Gracq sous la forme d'un festival mêlant littérature et géographie. Cette nouvelle mouture prend le nom d'un recueil de Julien Poirier, le patronyme officiel et très angevin de l'auteur : Les Préférences.

Le thème retenu est "Lire La Loire à vélo". Le programme est touffu, alléchant et léché. Le plus simple est sans doute de le consulter.

J'ai remarqué que la prose de Gracq est très clivante dans mon entourage. Certain-e-s expriment des verdicts tranchants comme le fil d'une lame de guillotine. Ainsi, en évoquant mon affection pour Un balcon en forêt un proche, souvent plus mesuré dans sa critique, tonne : Pfff, mais c'est chiant comme la mort !

Il n'empêche que j'ai un profond respect pour les romanciers qui mettent à nu ma ville. Certes Gracq ne distille pas le fiel d'Hervé Bazin, mais je ne résiste pas au plaisir de partager quelques sentences extraite de La forme d'une ville :

[...] j'y déchiffre toujours le farniente enjoué et disert du bourgeois angevin, entre le magasin de la rue des Lices, la fermette de tuffeau, la vigne et le cellier de l'été sur un coteau de Loire, la partie de pêche du dimanche, la tonnelle du jeu de boules de fort. Centre administratif peu surchargé, plus riche de notaires que d'entrepreneurs, appareil digestif discret de la rente foncière — d'ailleurs proprette, fleurie, avenante, le pouls légèrement ralenti, comme si un certain quantum de loisir surnuméraire flottait incorporé aux occupations des jours ouvrables — la cité des bords de Maine s'est aménagée pour les commodités douillettes d'une fin de vie cossue bien plutôt que pour le stress à l'américaine.

Même sans apprécier son style inimitable, on peut au moins concéder à Julien Gracq une certaine justesse d'analyse. Analyse qui me permet de revenir à mon idée première et de mettre en regard le titre de Julien Clerc. Les paroles se dévoilent subitement si on se dit que lui aussi chante notre bonne ville d'Angers. Jugez vous-même, avec comme il se doit, une pointe de mauvaise foi :



Je le sais
Sa façon d'être à moi, parfois vous déplait
Autour d'elle et moi le silence se fait
Mais elle est ma préférence à moi

Oui, je sais
Cet air d'indifférence qui est sa défense
Vous fait souvent offense
Mais quand elle est parmi mes amis de faïence
De faïence, je sais sa défaillance

Je le sais
On ne me croit pas fidèle à ce qu'elle est
Et déjà vous parlez d'elle à l'imparfait
Mais elle est ma préférence à moi

Il faut le croire
Moi seul je sais quand elle a froid
Ses regards ne regardent que moi
Par hasard, elle aime mon incertitude
Par hasard, j'aime sa solitude

Il faut le croire
Moi seul je sais quand elle a froid
Ses regards ne regardent que moi
Par hasard, elle aime mon incertitude
Par hasard, j'aime sa solitude

Je le sais
Sa façon d'être à moi, parfois vous déplaît
Autour d'elle et moi le silence se fait
Mais elle est, elle est ma chance à moi
Ma préférence à moi
Ma préférence à moi

Ma préférence à moi
Ma préférence à moi

Ma préférence à moi. 


En toute humilité, il me semble que mon rapprochement inédit des deux Julien pourrait, avec un peu de travail, accoucher d'une grande et novatrice thèse de littérature comparée. Néanmoins, je vais m'en tenir pour aujourd'hui à un bête billet promotionnel

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