Tout le monde connaît la légende
plaquée or, d'un magnat qui serait parti de rien et aurait commencé à bâtir
sa fortune en vendant de la limonade aux passant-e-s. Belle farce
jouée dans le meilleur des nouveaux mondes. Je ne connais pas la
recette de cet élixir de richesse et suis donc probablement condamné
à ne pas m'enrichir. Le seul ruissellement que je puisse espérer
est la chute fortuite d'un billet de 50 euros de la poche d'un-e
bourgeois-e. Pragmatiquement, ma force de travail, un peu de
connaissances et d'expérience pourvoiront encore un moment, je
l'espère, à ma subsistance. A quoi bon "parvenir" ? Je
vais déjà où bon me semble ?
En tous cas, cette
petite histoire bidon m'est revenue en discutant avec un ami. Nous
évoquions les expériences d'enfance fondées sur le
démontage-remontage d'appareils parfois défectueux mais plus
souvent victimes de notre curiosité. L'ami en question avait excellé
à défaire un réveil mécanique jusqu'à ce que de petits ressorts
ne quittent définitivement leur logement. Le temps s'est alors
arrêté. Illusion qui aurait pu ouvrir une carrière de magicien si
l'option avait été saisie au Ô temps suspends ton vol.
Cela m'a rappelé
un moment fondateur, une de mes premières expériences de mécanique vélo. La première
étant, je crois, la pose de rustines où, très jeune, j'étais plus
concerné par l'eau de la bassine que par l'aboutissement de
l'opération. Ma première entreprise de taille en plein
in-conscience s'est abattue sur le vélo de mon père. Je devais
avoir autour d'une dizaine d'années. Le dernier catalogue de La
Redoute avait amené au fond du bocage la mode naissante du vétété. On parlait de "vélo-cross".
L'engin, un Motobécane je crois, n'était pas très abouti et
ressemblait à un BMX trop bien nourri. J'étais fasciné par la
présence, sur le tube central, d'un sélecteur de vitesses tellement
massif qu'il évoquait la boîte de vitesse du tracteur que je
n'avais pas (mais plus pour longtemps) le droit de conduire. Le
potentiel d'imagination était tout entier concentré dans ce
sélecteur. Avec ce vélo-tracteur j'allais pouvoir délaisser mon
demi-course et les routes environnantes pour me lancer à l'assaut
d'innombrables chemins sur lesquels je tracerai moi aussi un sillon.
Mais, Noël était
loin et j'avais conscience que je ne trouverai pas de vélo sous le
sapin. Pas la peine de pigner. La présence silencieuse du vélo de
mon père dans une remise me vint à l'esprit. C'est sans accord
parental que je mis la main sur le butin. Après tout, grand adepte
de la marche je n'avais jamais vu mon père pédaler.
Le vélo présentait
certains pré-requis indispensable à la réussite du projet de sa
conversion en vétété. Les pneus étaient nettement plus larges et
crantés que sur mon demi-course. Il disposait également d'un cintre
plat. Pour le reste j'allais improviser. La présence d'une paire de
gardes-boue et d'un éclairage à dynamo nuisait à la ligne générale
du vélo. Le freinage était correct mais si je voulais faire des
dérapages conséquents et lever la poussière des chemins il allait
falloir ajuster tout ça.
Dans une ferme, ce
ne sont pas les outils qui manquent, d'ailleurs j'emploie encore
certains de ceux que j'y ai accaparé. Seul hic, ces outils sont
destinés à l'entretien du matériel agricole. Si vous additionnez
outils surdimensionnés pour le vélo et connaissances enfantines
sous-dimensionnées, vous obtenez sans grande surprise un résultat
catastrophique. Après deux ou trois heures de
marteau-tournevis-pince coupante, j'arrive à peu près au résultat
escompté. Je dis bien à peu près, car si l'aspect esthétique me
convient, la partie mécanique a pâti de mon intervention. Les
freins m'ont donné du fil à retordre et j'ai dû me séparer de
l'un d'eux.
Le résultat n'est
pas optimal mais je sais faire de nécessité vertu et je me fais
suffisamment de films en roulant dans les chemins pour être
pleinement satisfait de l'ouvrage de démolition que je viens
d'effectuer. Je peux mettre La Redoute à la poubelle (sauf les pages
avec les dessous), je suis équipé d'une vraie charrue bien que le
bœuf ne soit pas devant mais installé sur une vieille selle en
cuir.
Il m'a fallu bien
des années pour réaliser que j'avais détruit un vélo Petit-Breton
mono-vitesse qui avait survécu sans encombres à une guerre
mondiale. Les garde-boues étaient probablement martelés, et le feu
avant en obus très classe. Du passé j'avais fait de la ferraille.
Un fléau.
Quelques mois après
mon forfait, un de mes "vieux", car plus âgé de
deux ans, voisins s'était vu offrir le modèle original.
J'étais tellement impressionné par la bête que j'avais décliné
sa proposition de l'essayer. Ne sachant pas comment utiliser la "boîte de vitesses", j'avais eu peur de me
ridiculiser.
Je me sens toujours un peu honteux quant à mes débuts
de mécano et n'en ai jamais parlé à mes parents. Le plus surprenant
est que je ne me souviens d'aucune engueulade qui aurait découlé de
la découverte du pot-aux-roses. Pas de leçon de morale. Pas la
moindre brimade. Ceci explique peut-être pourquoi je n'exhume pas
cette affaire devant mon père. Trente ans ont passé, mais elle
reste sensible et le temps de la prescription n'est toujours pas
venu.
2 commentaires:
Quand est-ce que tu repasses par l'imprimerie ?
Un best of pour les dix ans ?
Sélectionné par les lectriceurs ?
Je ne sais pas si cyclusvismachin fait du 2nd degré, l'a jamais été facile à capter c'te beste, mais ce serait une idée.
Les aventures à la Frapp****, j'aime bien, je situe bien l'atmosphère. Mais je me rappelle aussi de bonnes anecdotes déjà éditées dans des fanzines...
Allez, repasse à l'imprimerie, fais-nous un truc. Allez, steuplé...
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