En éditant Petite Reine,
la Bibliothèque
Nationale de France expose une partie du travail du photographe
parisien Jules
Beau. Ce dernier a saisi, à la toute fin du 19ème siècle et
jusqu'à la première guerre mondiale, l'engouement autour de la
diffusion de la bicyclette.
Comme il se doit,
une bonne partie de son travail est constituée de portraits de
champions prenant la pose avec leur monture et parfois accompagnés
de leur entraîneur. Les attitudes quelque peu hiératiques suggèrent
un départ imminent. Le cyclisme sur piste est alors en pleine
explosion et draine une foule difficile à imaginer pour qui traîne
de nos jours autour des vélodromes. Jules Beau devait avoir ses
entrées et un bon réseau puisqu'il a même pu immortaliser le
célèbre « Major » Taylor dans son studio. Ce n'est donc
pas innocent qu'il ait été qualifié de "premier reporter
sportif de l'histoire".
Ce sont les photos
de studio, et par conséquent les plus anciennes, que je trouve les
plus plaisantes. Elles dégagent une belle naïveté des débuts de
la photographie, quand la technique ne permettait pas encore de
saisir des sujets sur le vif. Les mises en scène sont parfois
décalées voire franchement cocasses comme cette composition
dramatique relatant un accident. Les acteurs/rices ne semblent pas
franchement possédé-e-s par leur rôle.
Le livre regorge
également de machines plus ou moins improbables qui évoquent la
frénésie technique et le champ des possibles ouvert par le vélo
dans l'esprit des bricoleurs du dimanche. La palme revient sans
conteste à cette chose :
Encore heureux qu'il
n'ait pu décoller, j'ai du mal à imaginer un tel objet volant
atterrir sur un virage relevé de vélodrome. Beaucoup d'autres
engins moins loufoques sont saisis par le photographe. On assiste
ainsi à la naissance de la moto et on comprend que le vélo est à
l'époque un jalon industriel qui mènera à bien d'autres moyens de
transport.
Enfin, le choix
opéré par la BNF nous offre quelques tranches de vie qui montrent
comment la bicyclette ne s'est pas cantonnée aux seules exploits
sportifs : quelques portraits de femmes lors de concours d'élégance
ou bien encore des bribes de la vie bourgeoise tels les premiers
tours de roue de ce bambin peu enjoué malgré une machine rutilante.
Le livre s'ouvre sur
une petite présentation de l'auteur ainsi que par une courte mais
juste mise en contexte. Seul bémol, le dérapage en fin
d'introduction de l'auteur, Thomas Cazentre, qui se permet un tacle
gratuit et aucunement étayé : « Mais aujourd'hui où […] le
cyclisme de loisir est parfois moins une nécessité ou un plaisir
simple qu'un mode de vie revendiqué, voire un militantisme un peu
agressif [...] ». C'est certes un cliché de plus mais je m'en
serai volontiers dispensé.
Petite Reine, Fous
du vélo, collection L'Œil curieux, BnF Editions, 2016
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