Si vous endossez la
condition de cycliste, le boulevard du Doyenné, à Angers, vous
semblera fort mal nommé. Ce billet compte en faire la
démonstration.
Avec son paysage de
zone commerciale typique des périphéries françaises, ce boulevard
n'est visuellement guère attrayant. Qui plus est, son entame ascendante oblige à
appuyer un peu plus fort sur les pédales. Entre parenthèses, j'ai
plus de ressentiment envers la toute-puissance de l'économie qui
défigure ma ville qu'envers la sudation inévitable mais
passagère imposée par la topographie. Toujours est-il que le
boulevard est doté d'une bande cyclable large et bien matérialisée
tout à fait rassurante qui compense tant bien que mal les défauts
évoqués :
Là où le bât
blesse, où plutôt là où l'automobiliste pourrait blesser, c'est
que le boulevard accueille un rond-point au niveau de la coopérative
biologique. Plutôt que de permettre la continuité de la bande
cyclable sur les extérieurs du rond-point, les aménageurs/euses
n'ont rien trouvé de mieux que de la terminer en queue-de-poisson.
Le trottoir se resserre et un marquage au sol intime un
cédez-le-passage à la petite reine offrant, contre tout respect de
l'étiquette, la primauté à sa sainteté automobile. Double-peine
puisque quelques mètres plus loin, un autre cédez-le-passage vous
coupera dans l'élan et oblige à ponctionner de l'énergie dans la
couche de graisse ventrale que les cyclistes tentent de conserver avec
tant de peine. Dois-je rappeler que le coût de l'énergie pour un-e
cycliste et un-e automobiliste n'est pas le même ? Certes enfoncer
une pédale d'accélérateur coûte plus cher d'un point de vue
financier mais écraser deux pédales pour redémarrer à vélo est
autrement plus épuisant.
En bref, cet
aménagement est merdique et j'ai du mal à comprendre le
raisonnement intellectuel qui a conduit à un tel choix technique
alors que rien ne semblait entraver une potentielle continuité
cyclable. Voilà pourquoi, par volonté de cohérence, il faudra débaptiser le boulevard du Doyenné.
Les cyclistes n'y feront jamais de vieux os. Je propose de le
renommer boulevard de la Mort (la présence de la majuscule reste à discuter). Avec un peu de chance cette fine
exagération tarantinesque aura un effet de sidération qui conduira les usager-e-s à la
prudence. Au pire, à défaut d'épargner des vies, cette mesure coûtera moins cher à la collectivité que de revoir
l'aménagement du rond-point.
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