mardi 12 janvier 2016
Concurrence déloyale
– [...] Aussitôt qu'il commence à faire beau, la moitié des paroissiens lâchent l'église et donnent leurs dimanches aux bestiaux.
Capucet plaignit le curé et voulut excuser les fidèles de Cantagrel.
– On ne fait pas ce qu'on veut non plus, monsieur le curé, et comme dit Boquillot, c'est pas avec des patenôtres qu'on emplit une génisse. [...]
– Je comprends, dit le curé, je comprends. Mais tout le monde n'a pas une génisse à conduire chaque dimanche, à commencer par vous qui ne venez pas nous voir souvent.
– Ça c'est vrai, convint Capucet. On est pourtant catholique, vous savez, mais ce n'est guère à mon âge qu'on s'y remet. Comme dit le Noré, il faut laisser la place aux jeunes.
Le curé sourit, puis soupira :
– Ah, ce n'est pas la place qui manque. Pour les jeunes, les marchands de bicyclettes me font bien du tort. Mais ça ne fait rien, je les ramènerai, je les ramènerai et vous aussi.
La Table-aux-Crevés, Marcel Aymé, 1929.
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