Je suis persuadé que
nombre de cyclistes assidu-e-s feraient des cartographes et des géographes tout ce qu'il
y a de plus correct. A inlassablement arpenter l'espace on développe
une connaissance intime du terrain. Connaissance qui, comme les
cartes, a besoin d'une régulière mise à jour impliquant sortie sur
sortie. En effet, façonnés par l'activité humaine, les paysages
changent pour le meilleur et pour le pire. Il m'est particulièrement
insupportable de passer en un lieu que je croyais bien connaître et
qui transformé me paraît légèrement étranger. J'éprouve alors
le besoin d'y revenir et de l'explorer de fond en comble pour me le
réapproprier jusqu'à la maîtrise. Je sais que ça ressemble à une
manie du contrôle... Surtout ce qui m'agace dans ce phénomène,
c'est le sentiment que mon souvenir s'estompe et que ma mémoire va
inévitablement me trahir voire me faire défaut. Pour essayer de
parer à cette amnésie, j'accumule volontiers les plans et les
cartes en guise d'aide-mémoire. J'adore les cartes, elles sont pour
moi les inévitables compagnes des sorties à vélo.
Michelin vient de
lancer une série qui se présente sous la forme de deux cartes
couvrant la même zone, à la même échelle du 1/200 000ème, mais
séparées par une petite centaine d'année. Parmi les toutes
premières parutions figurent deux cartes qui, autour de la Loire,
couvrent la région depuis l'Atlantique jusqu'à Angers. Vous
comprendrez que je n'ai pu résister à la fièvre acheteuse. Pour
partager ma joie, j'ai de toutes mes forces essayé de prendre une
photo décente des cartes côte à côté mais cela s'est soldé par
un retentissant échec. Vous devrez donc vous contenter de quelques
détails que j'ai scannés tels que ceux-ci. Je n'ai pas cru utile de légender quelle carte était ancienne et laquelle était moderne...
Avant de me lancer dans
de grandes considérations géographiques, je me permet une simple
remarque de forme. Pourquoi ces cartes placent-elles Nantes (capitale de la "Loire-Inférieure") en leur
centre ? Angers est ainsi reléguée à l'extrême est de la carte.
Il y a là une injustice criante. Certes moins populeuse, Angers est
incomparablement plus rayonnante à tous points du vue. Nantes, toute
confite de suivisme provincial, n'est guère plus qu'une ville de la
lointaine banlieue angevine. Afin de ne pas diluer mon propos, je me
dois d'être bref et me contenterais donc, en toute simplicité, de
qualifier Angers de "Rome moderne".
Comparant les cartes,
je mentirai en affirmant avoir été surpris. J'ai reçu confirmation
de faits que quiconque constate chaque jour. En clair, ce billet va
me permettre d'enfoncer un paquet de portes ouvertes mais, avec
l'appui de cartes, ça fait tout de suite plus scientifique. Une
carte c'est un peu un powerpoint du passé en moins chiant et creux.
Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, c'est un peu ce
qu'Angers est à Nantes.
Trêve de balivernes.
En premier lieu, ce qui saute à la gueule, ce sont les progrès de
la cartographie en matière de lisibilité (en tous cas au moins pour
le daltonien que je suis). Tout est nettement plus contrasté, les
couleurs sont également plus vives, le trait s'est affiné. Le seul
regret que je puisse émettre concerne le bleu de l'océan qui sur la
carte des années 1920 (date supposée car rien n'est mentionné à ce sujet) est réalisé à la main par le cumul de
nombreuses lignes tirées bien droit à la règle. Un boulot qui
semble confiner à l'autisme et attire le plus grand respect. Pour
rester dans l'aspect technique, ce qui a également changé c'est le
méridien de référence. Exit le méridien de Paris remplacé par
celui de Greenwich. Les valeurs de longitudes n'ont donc plus rien à
voir, ce n'est donc pas un changement négligeable même s'il ne pète
pas à la gueule.
Par contre, de toute
évidence, c'est l'expansion urbaine qui a explosée. Comme on
pouvait s'en douter la campagne s'est salement fait lacérer autour
des villes. Les champs de goudron ont de beaux jours devant eux. Il
n'y a qu'à comparer le développement respectif de l'agglomération
angevine pour prendre l'ampleur du mouvement. Au passage vous
remarquerez que la ville n'a pas encore son Lac de Maine. Pour Nantes, la croissance est encore plus tentaculaire. Enfin, même
les plus petites communes de campagne se sont étendues.
Bien sûr, pour
alimenter ces villes, il n'y a pas d'autoroutes sur la vieille carte.
Pourtant, le réseau routier actuel est déjà quasi constitué et la
plupart des routes que j'affectionne sont déjà présentes.
Visuellement on observe qu'elle tracent désormais de petites boucles
autour des villes, stigmatisant ainsi les rocades. Le réseau s'est
aussi fortement densifié, jusqu'au nombre de chemins. Il suffit
d'observer la forêt du Gâvre pour s'en convaincre. Il est désormais
difficile de s'y perdre.
Il y a d'autres
surprises comme ces îles proches de l'estuaire de la Loire qui
semblent ensablées par le temps ou bien qui ont purement disparu.
Adieu Ile Pipi que j'aurai tant aimé arroser du
regard. Surtout ce qui me choque c'est le sort de le lac de
Grand-Lieu au sud de Nantes. Il semble avoir perdu les deux tiers de
sa superficie pour laisser place à des marais. Les traits sur la
carte laissent à penser qu'il a été drainé. A l'échelle de la
carte et donc toutes proportions gardées (j'insiste bien sur les
proportions), son sort fait tristement écho à la mer d'Aral.
J'avoue que ça m'a fait mal au cœur.
Bon, voilà les
quelques observations basiques que je voulais partager avec vous.
Beaucoup de banalités en sorte, j'aurai tout aussi bien pu parler de
la pluie et du beau temps. Après tout ça aussi c'est important
quand on pédale. Je vous laisse vous procurer cette mine d'infos et
chercher par vous mêmes d'autres détails comme ces quelques
communes qui ont légèrement modifié leur nom.
Ce n'est pas très
clair sur la jaquette de présentation mais il semble que la série
se nomme N°18 et que la carte en question soit
la n°18018, Nantes-Vannes.
ps > Je ne sais plus quoi penser du lac qui semble très fluctuant en superficie en fonction des saisons...
ps > Je ne sais plus quoi penser du lac qui semble très fluctuant en superficie en fonction des saisons...
7 commentaires:
Eh oui, il fut un temps où les cartographes étaient plutôt des "cartographistes".
Je serais bien curieux de tenter un itinéraire tracé sur l'ancienne carte, histoire de vérifier son intemporalité!
Très chouette cette comparaison de carte, l'évolution est impressionnante ! Avec un même approche, voici un site que j'affectionne :
http://www.geoportail.gouv.fr
On peut choisir une commune en vue aérienne, et y afficher les photographies aériennes anciennes, ainsi que la carte de cassini. On voyage dans l'espace mais aussi dans le temps !
J'ai eu une réflexion similaire pour le lac de Grandlieu, mais n'est-ce pas la symbolique qui a changé, comme si on représentait les basses vallées angevines comme en ce moment ?
Depuis, il y a eu Natura 2000
C'est possible que la technique de représentation ait changé, je ne sais pas trop.
+1 Pour Geoportail.
Vous avez rêvé de la machine à remonter le temps? Geoportail l'a fait.
Vous pouvez par exemple assister au creusement d'un lac artificiel au nord de Libourne dans le 33. Ce qui a été creusé a servi à construire une autoroute.
plus intéressant de nos jours, quiconque est passionné, peut lui même à son échelle devenir un cartographe, via le projet OpenStreetMap, une "GoogleMaps" ouverte, dont les contributeurs sont les wikipédiens de la carte et du territoire, je précise ainsi que ce samedi les quelques encyclopédistes-cartographes-amateurs initient la population angevine.qui plus est, je suis tout aussi curieux que Boris quant à l'idée de suivre un itinéraire tracé sur l'ancienne carte, à bon entendeur.
ça se fera sûrement ce "vieux" parcours !
Enregistrer un commentaire