jeudi 18 juillet 2013
Gino le Juste
Jusqu'à peu, je n'étais pas passionné par le parcours de Gino Bartali. C'était certes un grand coureur, on ne s'adjuge pas deux Tours de France par hasard (1938, 1948) sans compter un paquet de courses de renom. Et puis la seconde guerre mondiale et l'arrêt des compétitions l'ont privé d'un paquet de victoires alors qu'il était à son apogée. Mais le cyclisme aime les oppositions et des "deux visages de l'Italie" (l'expression est de Malaparte) ma préférence allait à Fausto Coppi. A mes yeux, le catholique pratiquant "Gino le Pieux" incarnait, la "vieille" Italie.
Mais voilà qu'en 2010 on apprend par son fils Andrea que le taiseux qu'il était s'était engagé de toutes ses forces dans la résistance. Vers 1943, il intègre le réseau catholique de résistance Desalem et met ses jambes et sa notoriété au service de leur cause. Régulièrement, sous prétexte de garder la forme il se rend au couvent de San Quirico. Il effectue ainsi un parcours de 190 km sur son Legnano vert et rouge. Parfois, il pousse encore plus loin jusqu'à Gênes en Ligurie soit 240 km. Dans son tube de selle sont cachés divers documents utiles à l'évacuation de juifs d'Italie : argent, faux papiers, cachets divers, photographies, etc. Il contribue ainsi à faire passer vers les Etats-Unis et la Suisse environ 800 juifs. En cas de contrôle, sa notoriété lui évite de nombreuses mésaventures avec la police. Il n'empêche qu'on le soupçonne (pourquoi s'entraine-t-il aussi avidement alors que rien ne laisse à penser que la compétition est sur le point de reprendre ?) et qu'il écopera, fin 1943, de 45 jours de prison. Cela ne l'empêche pas de garder le silence, d'être libéré sous caution et d'éviter le procès.
Le silence, il le gardera si bien qu'à sa mort, en 2000, son histoire est presque inconnue : «Le bien, c’est quelque chose que tu fais, pas quelque chose dont tu parles», disait celui que j'appelerai "Gino le Juste". En effet, il est devenu "Juste parmi les nations".
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