lundi 25 mars 2013

Par délai Bien et Mal



Le flou de cette photo vous colle peut-être le tournis. Moi c'est la concentration de béclards dans mon petit atelier qui me donne le vertige.

Je ne vais pas vous apprendre que, malgré les progrès réguliers de la pratique de la bicyclette en ville, je tire ma subsistance d'un boulot au caractère saisonnier. L'hiver a été long et pluvieux. J'ai parfois crié disette. Depuis une quinzaine de jours, l'effet cumulé des maigres signes annonciateurs de redoux ainsi que l'effet psychologique du retour officiel du printemps, ont poussé nombre de cyclistes occasionnels à vouloir enfourcher leur petit cheval de fer. Mais, remisé à la cave ou attaché trop longtemps à un réverbère, les pneus ont font corps avec le bitume et la chaine ressemble à un chalutier échoué au beau milieu de la mer d'Aral. Bref, une réparation s'impose.

Par ricochet, me voilà débordé. Je vous remercie de me sortir de l'ennui, en même temps que des griffes acérées de mon banquier.

A vue de nez, mon atelier fait 25 mètres-carré. Cet espace me sert à vous accueillir, à stocker les pièces de rechange et les accessoires à la vente, à archiver tous les documents utiles à mon activité, à bien sûr réparer vos vélos et à les stocker en attendant que vous passiez les reprendre. C'est sur cette dernière fonction que le bât (parfois) blesse. Si la très grande majorité d'entre-vous a bien remarqué que je m'occupe d'un atelier vélo, certain-e-s le confondent avec un garage à vélo. La nuance est de taille.

Quand vous me confiez votre fidèle destrier je m'engage le plus souvent sur une date de restitution. J'essaie de faire au plus court parce qu'être privé d'un moyen de transport vous handicape parfois lourdement. Je sais que "faire au plus court" ne signifie pas toujours littéralement "faire court". La recherche de certaines pièces, d'outils, voire de savoir peut parfois être plus longue que nous ne le souhaitons tous. Malgré certains aléas, en général je ne garde votre vélo que de quelques heures à quelques jours. Evoluant dans un espace qui m'est compté, il est de mon intérêt que les vélos dégagent au plus vite pour laisser place à d'autres petits malades. Plus les vélos s'accumulent, plus mon espace de travail se réduit comme peau de chagrin. Cela n'est pas sans conséquences sur mes conditions de travail. Nous, mécaniciens-vélos, sommes de grands fauves avides d'espaces ouverts où aucun obstacle n'entrave notre regard affûté et nos réflexes d'airain. Si cette image vous semble peu convaincante, ce que je comprends assez bien, acceptez au moins l'idée que je n'aime guère l'idée de bosser comme un hamster prisonnier de sa roue. Comme vous, lorsque mes conditions de travail sont satisfaisantes, je bosse mieux et plus vite : un vrai cercle vertueux. Voilà soudainement que le toyotisme me guette !

En ce moment, à l'atelier j'ai quelques vélos qui sommeillent sous la poussière depuis pas mal de temps. Certains attendent leur propriétaire depuis le mois de novembre. Faites le compte vous-même. Ce n'est pas faute d'avoir envoyé quelques textos et d'avoir passé des coups de fils. J'ai souvent entendu la promesse de passer le récupérer incessamment. Promesse pas toujours tenue. J'ai même parfois eu la surprise de découvrir que certaines personnes avait tout simplement oublié m'avoir confié un vélo.

Contrairement à bien des ateliers, je me refuse à instaurer une "taxe de garage" par jour de retard au delà de la date de retrait convenu. Ne me le faites pas regretter. Faites de moi un mécanicien encore plus épanoui que je ne le suis. Vivons en bonne entente, ne me confiez pas votre vélo pour une crevaison alors que vous vous apprêtez à partir en mission longue d'exploration antarctique, vous briseriez mon petit coeur. Venez le chercher (à peu près) à la date convenue et je suis convaincu que c'est une grande chaîne de l'Amour qui va commencer. Si vous brisez cette chaîne de grands malheurs arriveront. Si vous la perpétuez tout devient possible, peut-être même deviendrez-vous beau/belle, riche et célèbre ! J'ai confiance en vous.

J'ai bien conscience que vous qui lisez ces mots faites probablement partie des cyclistes qui rechignent à me laisser leur vélo plus de dix secondes et que vous vous pointerez, "à tout hasard", un peu en avance sur le rendez-vous convenu. A vous, merci de lire lire mes atermoiements, vous valez bien une cellule de soutien psychologique.



ps >  De mon côté, je confesse que je me craque bien comme il faut sur le délai de restitution d'un certain vélo de marque Bonzaï. Le proprio se reconnaîtra et je lui présente mes plus plates excuses. Je ne l'ai pas oublié, je trouverai une solution, aussi sûr que la gale trouve toujours un corps pour l'accueillir.

ps > Je devrais peut-être m'excuser d'avoir amoché le titre d'un livre de Nietzsche mais, j'ai beau avoir ce livre dans ma bibliothèque, je ne l'ai jamais lu. Je ne sais donc pas vraiment de quoi je pourrais m'excuser. Aussi, tant qu'on parle bouquins, il me faut remercier mes cher-e-s libraires qui font souvent preuve de tolérance lorsque j'empiète sur leur espace avec mes satanés vélos. Merci à vous !

2 commentaires:

Boris a dit…

C'est tout le problème quand on est au 21(m²) rue maillé... Va falloir faire place aux étagères à vélo à côté des étagères à bouquins!

Je t'aurais bien prêté mes deux bras malhabiles, mais visiblement même les tiens ne savent plus où se mettre :-)

Rita a dit…

Perso, je me dis que si les gens qui ont laissé des vélos depuis Novembre n'ont pas l'air de faire de cas de leur bycicle et bien, il y a des attaches vélos dehors et tu ferais peut-être bien de les y stocker un temps, le temps qu'il faut pour les aérer et toi aussi...