Catastrophe. Cette semaine Surly a retiré son emblématique Cross Check du catalogue. En acier 4130 CroMoly (à peine plus glorieux que des tubes de chauffage), il était certes relativement lourd mais financièrement abordable, durable, très confortable et il offrait un panel très étendu de possibilités de montage. Le mien a connu des versions avec des pneus fins et un cintre de route, des pneus très larges à crampons avec un cintre plat. Il a été monté en freins cantilever et en v-brake, avec ou sans porte-bagage, avec ou sans garde-boue, roulé avec ou sans technique de pilotage. Il a eu 10 puis, 11, puis à nouveau 10 et maintenant 9 pignons à l'arrière. Il a été au début doté d'un pédalier double plateau puis la flemme de gérer l'entretien d'un dérailleur m'a amené à le passer en monoplateau. Tout un tas de combinaisons jamais pleinement satisfaisantes ce qui poussait à toujours plus de changements dans un cycle sans fin. Les esprits chagrins (dont pour une fois je ne suis pas) parleront d'un vélo à tout faire mais bon à rien. N'empêche que je le roule toujours aussi souvent et que j'ai plaisir à revenir aussi éraflé que son cadre après chaque sortie dans les chemins épineux. Avec le concours d'un cadreur j'ai pour projet de le modifier encore une fois (un projet avorté une première fois mais non abandonné).
C'est aussi le vélo que j'aurai le plus monté pour des client-e-s et je suis ravi de savoir que certains montages ont arpenté sans encombres plusieurs continents, avalé des dizaines de milliers de km ou simplement emmené les enfants à l'école au coin de la rue.
Je suis loin de verser une larme (n'en déplaise aux gens qui donnent des noms à leur vélo, ça reste un tas de ferraille) mais c'est une page qui se tourne parce que des vélos-outils comme celui-là il n'y en a pas tant de disponibles dans un marché du cycle qui cherche plus à créer des désirs compulsifs qu'à proposer des solutions de déplacement et de transport. Le Cross Check est un outil, un point c'est tout. On ne l'achetait pas pour sa peinture toujours d'une couleur surprenante (je soupçonne que chaque année Surly héritait des restes de peinture d'un chantier naval taïwanais). Il ne déborde guère de sa fonction pratique ce qui laisse plein de d'espace disponible pour divaguer dans son for intérieur en même temps qu'en chemin (de croix évidemment).
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