Ce nom ne vous est peut-être pas très
familier mais à la fin de ce billet sa simple évocation fera
frémir le/la pauvre cycliste que vous êtes.
Né en Slovénie, le 7 avril 1959,
c'est au Canada, et plus précisément à Toronto, que Igor va
construire sa légende. Igor tenait à Toronto un atelier qui se
nommait The Bicycle Clinic. Pas besoin de vous faire un
dessin, il réparait les vélos. Igor est un personnage aux
multiples facettes, traversé de nombre d'obsessions. En clair, Igor
est un homme un poil torturé. A son arrivée en 1988 en Amérique
du Nord, cet espèce de philosophe des rues mâtiné d'obsédé du
recyclage constate le gâchis de la société de consommation. Il y
voit même le signe du déclin annoncé de l'empire américain. C'est
une des motivations qui le pousse à ouvrir son atelier où il répare,
recycle (il est aussi un peu ferrailleur durant l'hiver) et revend
des vélos d'occasion. Assez vite son atelier, et surtout lui,
deviennent connus comme le loup blanc. Situé dans un quartier en
pleine gentrification, il détonne. Igor file parfois un peu de taf
aux sans-abris des environs ou aux patients de l'hôpital
psychiatrique tout proche. Et puis, Toronto est une ville où la
pratique du vélo est très développée donc son atelier devient un
lieu incontournable . Les personnes qui se font voler leur vélo savent
même qu'avec un peu de chance, en se rendant à son atelier il est
possible que leur vélo ait "atterri" là-bas. Si c'est le
cas, il faudra soit faire preuve d'un grande persuasion, car Igor est
assez charismatique pour ne pas dire impressionnant, soit tout
simplement se contenter de débourser 30 ou 40 dollars en espèces
afin de récupérer son bien.
A dire vrai, Igor a eu le feu aux
fesses en 1993, pour une histoire de détention de vélos volés
(l'étrange anagramme vélo/volé ne cessera jamais de me
surprendre). L'affaire n'a pas connu de réelles suites judiciaires
car la police n'a pas été en mesure de prouver qu'Igor n'avait pas
racheté en toute bonne foi ces vélos. Il s'en suit de ce premier
avertissement que la police se désintéressera quelque peu d'Igor
tout en incitant parfois les personnes lésées à aller faire un
tour par chez lui.
Igor aura donc la paix jusqu'en 2008. A
cette date, la police constate une forte recrudescence du vol des
vélos. Afin d'y mettre un coup d'arrêt, elle appâte le ou les
voleurs en dispersant des vélos prêts à voler en ville et en
disposant quelques policiers en civil à proximité. A la mi-juillet
2008 le piège se referme sur... Igor. Ce dernier se fait pincer avec
un comparse, un sans-abri qu'il "employait" pour l'aider.
La police déboule à nouveau dans son antre et découvre qu'on est
loin du menu larcin et proche de la monomanie. Accrochez-vous. Après comptage, la
police découvre que "Igor le Terrible" stocke 2865 vélos
volés. 2865 ! Dont un tricycle... Le butin est tel que les
pompiers doivent intervenir pour enlever les fenêtres de l'étage et
littéralement désincarcérer des centaines de vélos. La police
apprend bientôt aussi qu'Igor loue presque une dizaine de garages et
tous sont pleins à craquer. La folie des grandeurs ! A juste
titre la folle entreprise d'Igor sera qualifiée de "trou noir
pour les vélos".
Igor devra répondre à pas moins de
58 chefs d'inculpation devant la justice canadienne. Il sera condamné
à 30 mois de prison. Il effectuera 16 mois.
Aussi, l'arrestation d'Igor a fait
naître chez bon nombre de cyclistes l'espoir de retrouver leur
monture. Près de 15000 personnes déambuleront les yeux grands
ouverts, parmi les vélos exposés par la police. Moins de 500
biclous retrouveront leur propriétaire et ,par la suite, les autres
seront donnés pour une œuvre caritative.
Il est difficile de comprendre le
mobile exact d'une telle entreprise. Certains ont avancé qu'Igor
comptait mettre ces vélos en pièces et les revendre en comptant, en
plus, jouer sur l'effet d'enchérissement provoqué par la pénurie
de vélos dont il était lui-même responsable. D'ailleurs, dans son
atelier, jouxtant les vélos, la police trouvera des douzaines de
cartons d'antivols neufs... D'autres vont plus loin et évoquent
l'attente d'une espèce de période post-pétrole-néo-apocalyptique
attendue de manière imminente par Igor. Tout ça me semble presque
aussi tordu qu'Igor. J'ai tendance à le considérer comme le plus
grand collectionneur de tous les temps. Tout le monde sait que les
collectionneurs sont des grands maniaques qui ne connaissent pas la
notion de limite.
Voilà, vous êtes désormais familiers
de l'univers d'Igor le Dracula du cycliste urbain, celui qui vide
votre âme en subtilisant votre vélo, celui qui hante vos nuits
quand, livides, vous vous demandez si vous avez bien verrouillé
votre antivol.
Ce billet est-il une forme de catharsis ?
RépondreSupprimerRenaud
Oulala non, mon but serai plutôt de me débarrasser de plusieurs de mes vélos inutiles... Sus à l'accumulation.
RépondreSupprimerJe connaissais pas ce Messieurs et son histoire. Merci pour ce petit brin de culture vélo...
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