vendredi 10 août 2012
"Les Cyclistes"
Le plus important c'était les usines
On avait asphalté les banlieues avant le centre
Elles menaient aux usines
Locomotives de Kharkov
Tracteurs de Kharkov
Usines de vélos
Faucille et Marteau
Sur les berges des rivulettes asphaltées fumaient d'énormes usines
Leurs cheminées soutenaient des fumées et les fumées soutenaient le ciel
Il n'y avait pas d'autos
Le soir nous sortions à vélo et faisions la course sur l'asphalte le meilleur d'Ukraine mais vide comme un désert
On avait transféré la capitale de Kharkov à Kiev
Nous nous consolions à la pensée que Kharkov restait la capitale industrielle et pouvait devenir la capitale sportive de l'Ukraine et pourquoi pas du monde
On avait mis dans le coup les gars des banlieues aussi costauds que si la faim s'était cassé les dents sur eux
Le soir lorsque les véhicules étaient partis l'asphalte restait à notre seule disposition
C'est Sérioja Makéev qui donnait le rythme
A l'école il progressait lentement
Sur l'asphalte il bougeait prestissimo
Nous autres désespérant de suivre Sérioja ne soupçonnions qu'il établissait record sur record sans s'en douter lui-même
Nous n'avions pas assez d'argent pour nous acheter des montres
Sautant en elle et nous dévisageant avec tranquillité il avait l'habitude de dire
" Je vous règle la cadence ! "
Des mollets comme des bouteilles de bière
Des bras comme des rallonges de guidon
De la semelle à la nuque une parfaite image du mouvement
On pouvait toujours courir pour le rattraper !
Il filait en de lointains éloignés comme s'il avait un moteur à réaction
C'est Sérioja Makéev qui donnait la cadence
Où est-il où a-t-il filé le champion de l'an trente-huit ou trente-neuf
L'éclat de ses rayons tournant au soleil s'est fondu en un second soleil et c'est au ciel probablement qu'il vagabonde
Ses mains se sont agrippées soudées au guidon
La ligne des bras et la ligne de la machine se sont jointe en un hiéroglyphe désignant le mouvement
Où est-tu où es-tu où es-tu où es-tu champion de l'avant-guerre
Il y en a bien qui prétendent que les champions inséparablement des championnats partent en vélo pour ces merveilleux dépôts où sont conservés en parfait état enduites de graisse de machines les années
Boris Sloutsky
Traduit du russe par Léon Robel
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