mardi 23 juillet 2019

La tête dans le gaz

Tôt, très tôt, beaucoup trop tôt. Me voilà en dé-route à une heure où les pochtrons croisés en ville s'éteignent et n'ont même plus la force de vomir une réflexion sur "Le Tour". Je me contente de beaux jets de bile assaisonnés de mauvaise bière.

Cette heure indue a néanmoins le grand avantage de me permettre de rouler sur un parcours habituellement trop dangereux à vélo, j'ai nommé la levée sur La Loire en direction de Saumur. Une joie rare, renforcée par un vent taquin qui colporte les bruits des riverains à plumes du fleuve déjà affairés à préparer la journée qui s'annonce.

Comme il se doit, je suis en avance au rendez-vous qui m'a été donné. En guise de mise en conditions, je m'installe à côté des bouteilles de gaz. Voulant attacher mon précieux vélo, je réalise que j'ai oublié la clé de l'antivol, et sans doute une partie de mon cerveau, à la maison. Le temps presse. J'avise des fourrés généreusement garnis de ronces. Je m'y enfonce aussi profondément que les épines dans mon cuir (pas besoin de vous reservir le couplet sur le cyclisme et la souffrance, vous connaissez). Je planque du mieux possible ma machine rutilante. Aurais-je du porter mon dévolu sur une livrée camouflage ? Le futur le dira. Mais quand, comme moi, on est un poil pétochard et qu'on s'apprête à efectuer son premier vol en montgolfière, le concept de "futur", aussi proche soit-il, relève-t-il encore d'une réalité tangible?

Tant qu'à trinquer autant lâcher prise. C'eut pu être (je sais plus vraiment ce je j'écris là) les côteaux de l'Aubance mais le sort en a décidé autrement.

Non sans être mis physiquement à contribution pour son déploiement, c'est à bord d'un ballon de Champigny que j'embarque ma carcasse chérie.

De premier abord un poil râpeux, il se révéle souple et vif. Entre des mains expertes le décollage se produit sans vraiment qu'on s'en apercoive. Notre gros panier du marché chatouille la cime des arbres. Puis, le propane nous propulse à 1000 mètres d'altitude.

Elle souffre de la canicule et son lit est réduit à peau de chagrin mais La Loire magnétise les regards. La vue de tous les systèmes d'arrosage en action sur la rive nord avait tout de la saignée scélérate et m'a un peu filé le bourdon.

Rive sud, le paysage est moins marqué par l'agriculture intensive et j'ai été surpris de constater la présence de nombreux espaces boisés. Nous avons filé vers l'ouest, dans l'axe de La Loire, et rapidement Angers est apparue. Son emprise m'a elle aussi semblé moins massive que dans mon imaginaire. Après une heure de vol, l'atterissage s'est profilé dans une petite plaine du côté de Blaison-Gohier. Le vent au sol était manifestement plus rapide que ce que l'aérostier avait anticipé et la nacelle a labouré le sol avant de verser. Nous voilà faisant du traineau dans les chaumes, la tête vers le ciel et le dos au sol. Paradoxalement, pas de panique à bord et un bon fou rire général éclate quand l'ensemble s'immobilise. Un atterrisage sport dans la forme mais maîtrisé sur le fond. Nous sommes remis à contribution pour ranger tout le bazar. S'en suit une petite collation et me voilà à tiser du rosé pétillant à 8h30 du matin... La réalité de ce bas-monde se rappelle néanmoins à moi : vais-je retrouver mon vélo ?


C'est Noël, mon jouet est au pied du sapin !

Sur le chemin du retour, j'essaie de coller au plus près du trajet effectué dans les airs. C'est moins grandiose mais je ne me lasse pas de la variété de paysages de ce bout de planète.

Midi est encore loin pourtant la chaleur est accablante. Je me laisse aller à de multiples pauses à l'ombre. Les quelques bars et épiceries à disposition sont mises à contribution afin de stabiliser ma chaleur corporelle.

Car, ce ne sont pas les panneaux d'affi-chat-sauvage surréalistes qui vont m'aider à garder la tête froide.

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