lundi 9 juillet 2018

Le plus discrètement possible


En matière musicale je ne sais pas trop ce que signifie un morceau d'anthologie. En matière fécale l'expression prend tout son sens avec le passage ci-dessous extrait de la toute récente traduction du livre NOFX, baignoires, hépatites et autres histoires. Le vélo remplit une nouvelle fois pleinement son rôle d'échappatoire aux affres de la vie qui accablent ici le pauvre Smelly, le premier vrai batteur du groupe.

Un jour dans, le parc près de chez moi, j'ai rencontré une californienne sublime, avec des cheveux magnifiques à la Farrah Fawcett. J'ai pris mon courage à deux mains et je lui ai proposé de faire du vélo avec moi. A ma grande surprise, elle a accepté. Elle s'appelait Sandra. Nous pédalions, le soleil illuminait nos visages... Si on avait été dans un film, il y aurait eu une chanson folk bien entraînante des années 1970 et plein de fondus-enchaînés.
Et tout à coup, j'ai eu une grosse envie de chier.
On était super loin de chez moi, mais les gargouillis de mon ventre envoyaient un message très clair : "C'est maintenant que ça se passe, que tu le veuilles ou non." Par chance, la piste cyclable passait devant des toilettes publiques, alors je me suis excusé, en espérant gérer le situation le plus discrètement possible.
J'ai défait mon pantalon, je me suis assis et j'ai envoyé. Mais je n'avais pas remarqué que le bas de mon maillot de football américain ultra grande taille pendouillait dangereusement dans la zone d'atterrissage. J'ai lâché quelques bons étrons et l'un d'entre eux est resté coincé sans que je m'en rende compte dans mon maillot de foot.
Quand j'ai terminé, je me suis dit que j'allais la jouer un peu sexy pour Sandra en sortant des toilettes torse nu. Alors j'ai relevé le maillot sur ma tête. En tirant, je sentais un truc lourd qui frottait sur mon dos. Puis sur mon cou. Puis sur mes cheveux. Puis sur mon front et le haut de mon nez.
J'ai compris ce que c'était quand j'ai vu la drôle de trace marron sur mon corps. J'avais de la merde collée du cul jusqu'au nez, un peu comme la bande de poils d'un putois. Et il n'y avait ni évier ni miroir dans ces toilettes. Game Over. Je me sentais si humilié que j'avais l'impression d'une expérience de sortie hors du corps, genre mort imminente. Je suis sorti et, sans un mot, j'ai pris mon vélo et je me suis barré. Je n'ai plus jamais revu Sandra.
Eh bien, même cet épisode-là a été moins traumatisant que le premier concert de NOFX.

NOFX, baignoires, hépatites et autres histoires, NOFX et Jeff Alulis, Mon cul c'est du tofu ? éditions, 2018.

Note : le livre est disponible à la librairie Les Nuits Bleues.

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