Je vous propose un petit entretien que j'ai réalisé avec des syndicalistes adhérent-e-s au syndicat Sud Territoriaux. Je me disais que leur point du vue qui assume la défense des salarié-e-s méritait d'être mis en avant sur une question qui relève trop souvent de la propagande à pas cher.
Il y a 15 jours environ, le maire d'Angers
et le député Matthieu Orphelin squattaient la presse à propos de
l'instauration de l'IKV pour les agents territoriaux de la ville et de
l'agglo angevine. En tant que syndicalistes à SUD Territoriaux,
vélotaffeurs pour la plupart, que pensez-vous de cette mesure ?
Emma : Avant de te répondre faisons un petit retour
sur l'IKV. Elle a été instaurée par la loi sur la transition
énergétique de 2015, cette indemnité vélo est prévue dans l'article L.
3261-3-1 du Code du travail. Elle ne concerne donc
normalement que les salariés du privé, même si elle n'est pas interdite
dans le public. D'ailleurs plusieurs collectivités l'ont mise en place
depuis 2017 : La Rochelle, Orvault ou encore... le Conseil Départemental
du Maine et Loire !
Sur le principe l'IKV consiste en la prise en
charge par l'employeur d'une partie des frais de transport des salariés
effectuant le trajet entre leur domicile et leur lieu de travail en
vélo. Elle prend la forme d'indemnités dont le montant
est calculé en fonction du nombre de kilomètres parcourus par le
salarié. Elle est en général de 0,25€ par km et plafonnée à 200€ par an.
Notre syndicat est donc favorable à cette mesure,
d'autant plus que nous avons déjà fait la demande à notre employeur, M.
Béchu, en juin 2017.
Donc il s'est empressé de vous rencontrer pour en discuter avec vous ?
Errico : Alors, en fait non. En septembre 2017
nous recevions un courrier du maire nous disant que l'IKV étant
facultative et concernant les employeurs privés, il ne souhaite pas
l'instaurer tant que ce n'est pas obligatoire.
Mais d'où vient ce retournement inattendu ?
Louise : On ne sait pas trop, on pourrait croire
qu'il s'agit d'un coup de communication politique, au moment où notre
patron prend la tête de l'Agence de financement des infrastructures de
transport de France (AFITF). Mais nous n'écoutons
pas les mauvaises langues et préférons penser que nos arguments ont
fini par être entendus.
Quels sont ces arguments qui ont convaincu votre patron ?
Michel : Disons que l'IKV est un sorte d'accord «
win-win » : les employés qui ont compris que le vélo est le seul moyen
de transport à peu près viable à long terme écologiquement, bon pour la
santé et plus rapide que la bagnole en ville,
se verront octroyer une petite obole sur leurs maigres bulletins de
salaires, ce qui n'est pas du luxe par les temps qui courent.
L'employeur y gagne aussi : les agents sont en moyenne moins absents
pour maladie, on peut supprimer des places de parking dans
les services de la Ville (une place de parking coute entre 300€ par an
pour une place le long d'un trottoir à plus de 2000€ par an pour une
place en parking souterrain). Sans compter le bénéfice en terme d'image
dont sont si friands les élu(e)s. Nous pouvons
rajouter que l'IKV fait en général doubler le nombre de salariés qui
utilisent le vélo pour venir travailler.
Tout va bien dans le meilleur des mondes alors ?
Adhémar : Il est un peu tôt pour le dire, les
syndicats ont rendez-vous avec la mairie pour discuter de tout ça le 23
mars prochain. Nous sommes déçus cependant d'avoir lu que M. Béchu
compte plafonner l'IKV à 150€ par an... Nous estimons
que ce plafond n'aura pas un effet incitatif assez fort et craignons
que des esprits chagrins fassent un parallèle malvenu entre cette IKV en
demi-teinte et l'indemnité de M. Béchu à la tête de l'AFITF qui, elle,
est plafonnée à 42.000€ par an. Mais ne compte
pas sur nous pour alimenter ce type de polémique stérile !
Au-delà de l'argument salarial que je
comprends tout à fait, vous avancez un argument écologique. N'est-ce pas
outrepasser le rôle d'un syndicat ?
May : C'est une question très pertinente : en effet
certains syndicats se cantonnent aux questions directement liées à leur
secteur d'activité professionnel, à leur corporation. Nous estimons
pour notre part qu'un syndicat peut légitimement
intervenir dans tous les champs politiques et être porteur d'un projet
de société alternatif. De plus il faut savoir que l'écologie fait partie
des préoccupations du syndicalisme depuis son origine, bien avant les
années 70 donc. Emile Pouget et les syndicalistes
du début du XXe siècle mettaient déjà en cause le « sabotage »
capitaliste, la dégradation de la santé des hommes et le saccage de la
faune et de la flore. Mais il vrai que ceci a été un peu escamoté par le
tournant productiviste de la CGT des trente glorieuses,
enfin bref, voilà.
Nous avons par ailleurs des contacts avec d'autres
syndicats, SUD ou CGT, chez d'autres employeurs, publics comme privés,
qui suivent de très près ce qui se passe à Angers pour pouvoir porter
aussi cette revendication.Merci !
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