dimanche 17 juillet 2016

Renart devenu Candide

Contre toutes apparences, Renard à vélo ne se laissera pas facilement enfermer dans la case "jeunesse" qui lui est pourtant toute dévolue en librairie. Je me demande même, sans a priori, ce qu'il peut inspirer à un bambin tant la narration m'évoque plutôt le conte philosophique tel que le chérissaient certains penseurs des Lumières.

Il y a beaucoup de tours et de détours dans cette histoire. En soi, c'est plutôt un gage de qualité quand on s'attache à évoquer un renard engagé dans une course cycliste. A peine sorti de la nature, tout frais citadin, notre candide Renard épouse la dangereuse profession de livreur à vélo. Non moins abruptement, il se retrouve engagé dans ce qui est, sans discussion, la course cycliste à étapes la plus âpre qui soit.

Au format italien, le dessin, qui me semble tracé au feutre, est sobre et épuré, beaucoup de traits relevés de quelques à-plats. Une belle simplicité renforcée par l'usage de seulement deux couleurs : le bleu et le rouge. Le blanc de la page reste dominant ce qui colle bien à la trame de cette aventure qui trimballe notre renard pédalant depuis les grands espaces de cette planète jusqu'à l'espace intersidéral.

Il faut bien ça pour un voyage initiatique où chaque étape accomplie apporte à notre héros son lot de questions le plus souvent insolubles. Cependant, quelques réponses à des questions qu'il ne s'était pas clairement posées éclosent dans l'esprit de Renard  : "Je suis arrivé dernier, mais en vie. Et je commence à comprendre que le but de toute course n'est pas de gagner, mais d'être le dernier à perdre." Oui, parfois les réponses sont d'un maigre réconfort, voire plus angoissantes que les questions.

Vous comprenez aisément à la lecture de cet extrait que, plutôt que la route et les intempéries, chaque cour-eur/euse engagé dans la course doit affronter sa destinée. Ce "roman graphique" a tous les atours d'une tragédie avec abandons, disparition brutales, comportements destructeurs et destructurés. Comme ses adversaires, la Fatalité poursuit Renard sans relâche. Autant le dessin est épuré, autant le propos est touffu et donne matière à réflexion sur l'absurdité de notre existence. Il se dégage une profonde mélancolie de cet ouvrage camouflé en anodine histoire pour enfants.

Renard à vélo, Fibretigre et Floriane Ricard, Rue de l'échiquier éditions, 256 p., 2016.

1 commentaire:

ÈRÈLLE a dit…

256p pour un bambin, c'est de la graine de philosophe.