dimanche 20 décembre 2015

Histoire de famille

La famille est souvent présentée comme la garantie absolue de l'ordre, voire plus radicalement comme la garantie d'un ordre absolu. De sa stabilité découlerait celle de la société toute entière. C'est, je crois, emprunter un raccourci périlleux. Parfois, il faut souligner que c'est bien la famille qui est mère (pardonnez-moi ce lien de parenté improbable) du crime et de la déliquescence sociale.

Bien que mûe par de louables intentions, ma famille m'a très récemment poussé à accomplir en plein jour un acte délicteux qui aurait pu entâcher ma réputation jusqu'à lors immaculée.

L. a perdu la clé de son antivol, immobilisant ainsi son vélo et celui d'une amie. Elle me sollicite pour résoudre son problème. Au nom des liens du sang, je ne peux ignorer son appel à l'aide. Me voilà, peu avant midi, quittant l'atelier toutes affaires cessantes. J'ai pris soin d'emplir un sac de divers outils aptes à résoudre ce cas de figure : deux scies à métaux, un marteau, un tube long d'un bon mètre. Tout le nécessaire pour, en cas d'arrestation, passer du vol simple à la qualification de vol avec prémiditation. Comme il se doit, je suis tout de noir vêtu et je demande à un ami à l'allure patibulaire de m'épauler dans cette opération des sévices secrets. Il ne nous manque que le masque des Rapetou. Pourtant, nous allons d'un pas léger, en dignes défenseurs de la famille et de la propriété privée.

A pied d'oeuvre, voilà comment se présente l'affaire :

Après concertation, nous estimons qu'il s'agit là d'un cas d'école à traiter avec la plus grande la simplicité :

Le "U" a beau être de qualité correcte, il ne résiste pas plus de deux minutes à la fine lame. Mon comparse l'immobilise afin de me faciliter la tâche ce qui nous fait gagner un temps précieux. Le résultat ne se fait donc pas attendre :

Le temps de poser un nouveau "U" et de remballer notre paquetage, notre opération n'a pas duré plus de quatre minutes. Il faut noter que le tout  se déroule dans un coin de la Place du Ralliement, c'est à dire la place centrale de la ville :

Une telle expérience appelle évidemment de nombreuses conclusions :
 -Je l'ai déjà affirmé assez souvent, le terme "antivol" est tout à fait inapproprié pour décrire l'objet tombé sous les dents de ma scie à métaux. Ce terme est trompeur et je le rejette définitivement, "ralentivol" est nettement plus près de la réalité. Bonne raison pour s'en procurer un de qualité. Face à une résistance trop importante un voleur abandonnera vite, il a d'autres chats à fouetter.

-De toute évidence, afin d'éviter les embrouilles, les très nombreu-x/ses passant-e-s faisaient tout leur possible pour rejeter ce qui se jouait sous leurs yeux au fin fond de leur conscience.

-Une patrouille de police était à l'autre angle de la place, devisant avec les commerçant-e-s du marché de Noël. Ceci me pousse à abonder dans le sens de l'universitaire Carl Klockars lorsqu'il avance en 1983 : Faire patrouiller la police en voiture pour lutter contre le crime est à peu près aussi sensé que de faire patrouiller les pompiers dans leur véhicule pour combattre le feu.* Dois-je aller encore plus loin que Carl et affirmer, qu'avec ou sans voiture, l'action de patrouiller est inutile pour lutter contre les crimes et délits ? Je dois avouer ne pas avoir assez d'ocurrences statistiques pour trancher cette question. Un devoir de réserve s'impose donc.



* Carl Klockars, Thinking about police, 1983.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

http://fixie-singlespeed.com/bike-thief-vole-velos-rues-new-york/