lundi 30 novembre 2015

Vélos de course

S'il y a bien une niche éditoriale qui n'est pas victime du marasme ambiant, c'est celle des livres de photos de (plus ou moins) beaux vélos. Les sorties se succèdent à un rythme effrené et, trop souvent, le contenu n'est pas à la hauteur des couvertures racoleuses et des titres aguicheurs.

Jan Heine, n'a rien d'un arriviste, rédacteur en chef de Bicycle Quarterly il est un véritable obsédé de la bicyclette. J'avais découvert son savoir encyclopédique avec "L'âge d'or du vélo artisanal", un ouvrage exclusivement consacré aux randonneuses artisanales françaises. Une nouvelle fois, "Un siècle de vélos de course" est le fruit de sa collaboration avec le photographe Jean-Pierre Pradères. Ce grand format dresse un inventaire de "modèles emblématiques et authentiques" de 1880 à 1994. L'expression "vélos de courses" est à entendre dans une large acceptation : grands-bis, stayers, vélos de piste, vélos de route, tandems, vélos de contre-la-montre, toutes les sectes du cyclisme de compétition sont représentées.

Ce panel large, pour ne pas dire hétéroclite est assez surprenant de prime abord. On est assez loin des bouquins traditionnels qui, en se cantonnant au vélo de route, induisent une vision linéaire des progrès techniques. Le choix des machines de Jan Heine peut paraître parfois assez arbitraire mais il a le mérite de montrer que la recherche d'améliorations a été chaotique. Beaucoup de pistes ont été explorées, assez peu se sont révélées fertiles. C'est patent en ce qui concerne l'émergence du dérailleur. Sa simplicité actuelle qui paraît si évidente est le fruit d'une lente maturation où beaucoup de systèmes ne connaîtront (heureusement) pas la postérité. Un peu dans le même ordre d'idée, le livre ressort de l'oubli des choix techniques qui nous paraissent contemporains mais qui ne sont "que" des redécouvertes et/ou des réinterprétations. L'exemple le plus frappant étant un vélo Labor de 1910 avec une fourche a fourreau unique, concept relancé par Cannondale dans les années 1990.

Il est important de noter que les machines sont dans leur jus. Usés à la corde, les boyaux vomissent leurs tripes. La rouille grignote doucement les chromes autrefois éclatants. Témoin d'une époque lointaine et révolue le cambouis se sédimente doucement. Je vous passe mon habituel couplet sur le spectacle du temps qui passe.

Les photos de studio ont la part belle dans ce livre. De grandes dimensions, elles sont d'une précision chirurgicale mettant en valeur les petits détails mécaniques. Quelques documents d'époque (images d'archives, catalogues, couvertures de presse) apportent un contrepoint historique et humain de bon aloi. Pour la plupart, ces vélos racontent l'histoire d'un où d'une cycliste. Ces anecdotes sportives apportent du souffle au discours de Jan Heine, d'autant plus que beaucoup n'appartiennent pas spécialement au panthéon du cyclisme.

Je regrette seulement que Jan Heine ne se soit pas aventuré au delà de 1994. Pourtant les fabricants n'ont pas été avares d'innovations techniques : généralisation du "carbone", pédales automatiques, vitesses indexées, dopage scientifique, il y a beaucoup de matière disponible. Espérons que cela sera l'objet d'un futur ouvrage.


Un siècle de vélos de course, Jan Heine, Jean-Pierre Pradères, Editions Vigot, octobre 2015.


PS 1 : Qui dit beau livre dit livre relativement onéreux. J'ai payé mon exemplaire 45 euros. Comme d'habitude, je suis tout à fait disposé à le prêter. On voit ça à l'atelier.

PS 2 : Le blog de Jan Heine

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