dimanche 5 octobre 2014

La tête dans l'étau

Ne vous fiez pas au titre de ce billet, je ne souffre pas de violentes céphalées. Simple clin d'oeil à l'un des outils les plus précieux de l'atelier bien que sa constance et son immobilité le place très en retrait. A l'étau, je joins l'outil qui, avec le marteau, se dispute le titre de plus vieil instrument de l'humanité, j'ai nommé le levier, plus souvent appelé dans les ateliers la "bonne vieille barre de 1 mètre". La maîtrise conjointe de l'étau et du levier relève d'une incoyable subtilité dans le bourrinage que les profanes ont souvent du mal à comprendre. Je vais pourtant tenter de vous en donner un aperçu.

Cette semaine j'ai eu à réviser un vélo équipé d'un pédalier de trial. Sur ces pédaliers, il n'y a pas de plateau, celui-ci est remplacé par une roue libre (sur ce principe là). La roue est munie d'un pignon fixe. Ce système offre un débattement au sol plus important et bien utile pour se jouer de la caillasse et autres obstacles normalement insurmontables. Et puis, c'est la classe d'arrêter de pédaler et de voir la chaîne continuer à tourner comme si de rien n'était. Cette fois-ci, le pédalier était monté sur un vélo de bike-polo, un des avantages c'est que la roue-libre,bien planquée derrière son carter et grâce à son faible encombrement, ne craint pas les coups de maillets comme les plateaux classiques plus exposés. Couplé à une roue-libre de qualité bourrées de cliquets, la transmission de la force de pédalage est quasiment sans latence ce qui rend le vélo très réactif. Bon, je concède que tout cela n'est pas simple à comprendre sans le voir, qui plus est mes explications ne sont pas très claires. En tous cas, pour ceux/celles qui suivent encore, le bousin ressemble à ça :
Il me fallait en changer la roue-libre, le hic, c'est qu'avec les outils habituels, impossible de la retirer, même avec l'aide d'un camarade et la force conjointe de près de 200 kg de viande soufflant et poussant. La rage aurait pu enclencher les réactions primaires les plus désastreuses avec l'enchaînement trop classique burin-marteau-poubelle, mais la voix de la sagesse s'est encore fait entendre dans l'atelier :
Πα βω και χαριστιωνι ταν γαν κινησω πασαν

La connaissance du grec ancien est parfaitement innée chez la plupart des mécanicien-ne-s (si c'est pas le grec, c'est le latin ou plus rarement l'araméen) et c'est le spectre de ce vieux Archimède qui rappelait aux deux bouts de viande qu'ils pouvaient repousser la bestialité en se rappelant sa célèbre maxime : Donnez-moi un point d'appui, et un levier, je soulèverai le monde.

L'étau dans sa force d'airain ne rêvait que de mordre le pédalier de ses puissantes mâchoires, nous pouvions donc compter sur son appui. Quant au levier, plusieurs barres de métal se languissaient d'entrer dans la baston. Ainsi quelques instants plus tard, tout était en place dans l'étau :
Hélas, les premières tentatives furent infructueuses et mon bon vieux tube de vélo en acier de presque un mètre n'y suffisait pas. J'en venais à douter d'une issue positive à cette histoire, après tout, la mécanique c'est aussi beaucoup d'échec, la matière nous résiste encore parfois. Alors aux grand maux, les grands remèdes :
Oui, c'est f(l)ou comme c'est long :
Près de 140 cm de levier ! La peur au ventre, avec l'aide d'Archimède, nous avons poussé et la matière s'est enfin pliée à nos désirs ! Sagement l'ordre éternel a succédé au chaos naissant. La roue-libre s'est débloquée. Les filetages du pédaliers se sont présentés à nous exempts du moindre copeau d'aluminium qui aurait été pour nous le signe à la fois d'une détérioration et donc de notre défaite. Une nouvelle fois Archimède nous avait montré la voie :
Voilà, encore beaucoup de blabla pour un petit résultat. La satisfaction naît aussi bien des mille petits gestes renouvelés presque automatiquement chaque jour que de la résolution des petits aléas rencontrés dans cette routine. 

ps > Le marteau et le burin c'est la préhistoire, alors on oublie, d'accord ?

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