vendredi 8 août 2014

L'espoir fait pédaler


Je vous glisse un petit extrait de mes lectures estivales. Le Christ s'est arrêté à Eboli n'est pas un livre qui traite du vélo, mais le passage qui l'évoque vous donnera peut-être envie de vous attaquer à ce bouquin, qui sait ?

Il y avait à Grassano un jeune homme de vingt ans, un manoeuvre robuste, Carmelo Coiro, au visage carré et brûlé par le soleil, qui venait souvent, le soir, boire un verre de vin à l'auberge de Prisco. Il était ouvrier, travaillait aux champs comme journalier ou faisait le terrassier ; mais sa passion, son idéal était d'être coureur cycliste. Il avait lu les exploits de Binda et de Guerra, son imagination avait travaillé et il passait toutes ses heures libres et ses dimanches à s'entraîner sur son vieux vélo déglingué ; il grimpait à toute allure ces terribles côtes et parcourait en courant les routes, toutes en lacet, autour du village. Il poussait parfois, dans la poussière et la chaleur, jusqu'à Matera ou jusqu'à Potenza, et vraiment il ne manquait ni de force, ni de patience, ni de souffle. Il voulait aller à bicyclette dans le Nord, et devenir un champion. Lorsque je lui dis que s'il se décidait je pouvais l'adresser à un journaliste sportif de ma connaissance, ami personnel et biographe de grand Alfredo Binda, Carmelo se vit au comble du bonheur ; je le voyais toujours réapparaître le visage illuminé par l'espoir, dans la cuisine de Prisco.

Carlo Levi, Le Christ s'est arrêté à Eboli, trad. Jeanne Modigliani, 1945.

ps > L'image d'illustration est tirée du film adapté du livre.

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