samedi 9 mars 2013

Morricone, sors de ce corps



Je rentre tout juste de vacances et croyez-moi, ce n'est pas facile de passer tout ce temps avec pour seule chose en tête la musique du film Le bon, la brute et le truand. Au point de commencer à nourrir de la rancune à l'égard d'Ennio Morricone d'accaparer tant de place dans ma cervelle. Pourtant, à la vue des Bardenas Reales, siffloter cet air relève du réflexe pavlovien tant ces paysages imprègnent mon imaginaire. Je sais bien que la plupart des westerns spaghettis ont été tournés plus au sud de l'Espagne, dans la région d'Almería, et, c'est déplorable, mais les Bardenas sont surtout connues des publicitaires qui viennent y tourner à peu de frais leurs affreuses pubs pour des 4x4 inutiles.

Les Bardenas, ce sont donc 42500 hectares de terres au sud-est de la Navarre. Pour être précis, il me faudrait vous abreuver de diverses notions de géologie, d'histoire, d'écologie et de politique pour vous faire comprendre l'originalité de ce coin paumé d'Espagne à deux pas de la France.Tout ce que je peux vous dire c'est que les Bardenas, ce sont des paysages monumentaux rongés par les intempéries d'hivers froids qui succèdent à des étés très chauds avec des maximas à 50°. Le vent et l'eau ont façonné le paysage. Une petite sortie dans les Bardenas est mille fois plus parlante qu'un trimestre de géologie au collège. Les strates d'argile, de grès, de gypse sont visibles à l'oeil nu, les flancs des falaises sont ridés par l'érosion, les torrents temporaires creusent brutalement leurs lits coupant parfois les pistes. La présence de l'homme par le pastoralisme a bien sûr accéléré ce mouvement de désertification mais les Bardenas n'ont jamais été récouvertes de forêts comme on l'entend parfois. La végétation y a toujours été rare et rase.

C'est notre première sortie dans la partie la plus aride, dite Bardena Blanca Baja, qui m'a procuré un sentiment de fragilité que j'avais rarement ressenti à ce point à vélo. Le vent soufflait sans discontinuer à 70 km/h avec des pointes à 90 km/h. A tel point qu'une partie de notre parcours s'est déroulée à peine plus rapidement qu'à la vitesse d'un marcheur. Cela a fait naître en moi l'inquiétude un peu diffuse d'être à la merci des intempéries. J'ai passé pas mal de temps le nez en l'air à scruter la course des gros nuages noirs en cherchant à comprendre quel mauvais coup se tramait au dessus de nos têtes. Je me sentais aussi un peu responsable de la galère que je faisais subir à Pauline. En plus, à première vue, on imagine que tout est à portée de pédales mais il faut déchanter, prendre son mal en patience et se faire à l'idée que notre perception des distances relève de l'illusion d'optique. Ajoutez à tout cela que nous n'avons croisé qu'une seule voiture en 45 km de sortie et vous comprendrez le sentiment d'abandon qui nous a envahi ce jour-là. Cerise sur le gâteau, les Bardenas sont occupées (le mot est parfaitement approprié) en leur centre par un "polygone militaire". Cette zone interdite cristallise la rancoeur des habitants de la région. Alors que les Bardenas sont une zone fragile protégée, qu'à juste titre de nombreuses règles s'appliquent aux randonneurs, plus de 2000 hectares sont inaccessibles et servent de zone de tir pour les avions de chasse de l'armée espagnole et de l'Otan. Ainsi, les dix derniers kilomètres de notre petit périple se sont déroulés dans le vacarme assourdissant d'avions en vol à basse altitude, enchainant virages serrés et autres chandelles. Aucun tir ce jour-là mais ce grondement continu a mis à rude épreuve les quelques nerfs qui restaient à Pauline. Ainsi, pour leur découverte, les Bardenas se sont donc globalement montrées hostiles à notre égard. A la fois, je m'y étais préparé et j'en suis ressorti avec le sentiment que ce genre de paysage grandiose ne prend son ampleur qu'avec un peu d'effort et d'adversité. J'étais servi, plus qu'à ma faim.

A contrario, pour notre dernière virée, il allait en être tout autrement. Le vent était absent, le ciel n'était traversé que par des oiseaux faits de plumes, un doux soleil d'hiver était au rendez-vous. C'est donc un tout autre désert que nous avons eu l'impression de traverser sans effort. C'est paradoxal en apparences seulement tant c'est la météo qui transforme ce bout d'Espagne en enfer ou en paradis. Tout ça pour dire que je suis convaincu que par temps clément, n'importe quel clampin, équipé d'un vtc en bon état avec de gros pneus, peut y zoner l'esprit tranquille et la bouche en coeur. Sur les pistes principales, il est possible de planifier des parcours avec très peu de dénivelé. L'important, c'est de ne pas présager de ses forces. Après, si tu as envie d'en chier tu trouveras les difficultés sans difficulté.

Plutôt que vous gaver avec mon numéro de guide-nature tout miteux je vais me la fermer et laisser parler quelques photos en vrac. Je tiens juste à dire qu'elles ne sont évidemment pas à la hauteur et qu'elles n'arrivent à rendre compte du gigantisme de l'endroit. Allez vérifier par vous-même si je mens.








Si le voyage vous branche et que vous voulez le préparer je vous conseille :
-Lost in La Mancha, un désastre "bardenanesque" pour vous mettre dans l'ambiance.
-bardenas-reales.net qui est une mine d'infos
-Le guide et la carte : Bardenas, M. Anguio, I. Alcalde, SUA edizioak. Il en existe évidemment d'autres mais, je ne les ai pas eus en mains.


ps : Merci à K., N. et B. pour votre aide logistique !

1 commentaire:

Rita a dit…

Cool que vous ayez bien profité !!