lundi 12 novembre 2012

Lorsque le cycliste du dimanche disparaît

Ce qui suit pourrait fort ressembler à une rubrique nécrologique. Hier, nous avons constaté avec effroi la quasi-disparition d'une espèce jadis foisonnante, espèce que d'aucuns allaient jusqu'à qualifier de nuisible !  Vous avez peut-être deviné qu'il s'agit du "cycliste du dimanche". Naguère, l'aurore aux doigts de rose ou plus prosaïquement aux vapeurs de rosé, pointait à peine, que tel des centaures modernes, leurs garages de lotissement les voyaient piaffer d'impatience. Regardez-les peaufiner leur position sur la machine, ajuster un nouveau gilet jaune à un maillot siglé d'une quelconque assurance-vie, ou s'oindre le corps d'un gel-chauffant-de-récupération-active-avant-l-effort. Puis, admirez-les, envahissant les routes par milliers, feignant de ne pas voir leurs congénères alors qu'ils se croisent depuis vingt ans à la même heure, au même endroit, sur la même petite route de campagne. Il y a une certaine noblesse dans tant d'abnégation, ce sacerdoce n'est pas moindre que celui du prêtre qui officie à la même heure. Le cycliste du dimanche est un fantôme pour son entourage et il est impossible de le retenir à la maison. Seule la perspective d'un poulet rôti entouré de frites peut faire espérer le voir rentrer au bercail avant 14h. Alors, la famille admirative s'assemble autour de lui. Il a même inspiré à Victor Hugo un de ses plus beaux poèmes*.

Le cycliste du dimanche aime le vélo, sa vie est dédiée au vélo. Toute la semaine n'est que longue agonie dans l'attente du dimanche matin ou il pourra à nouveau faire corps avec la machine. Malheureusement, son espèce se raréfie dangereusement. Hier nous les avons comptés sur les doigts de deux mains les cyclistes du dimanche.

Programmer une course de côte à 10h30 un dimanche matin relève-t-il désormais de l'archaïsme ? Notre jeunesse est-elle en peine déliquescence ? Sa molesse lui fait-elle préférer le confort d'un oreiller en plume d'oie à la rudesse d'un fort dénivelé dans la froidure du matin.

J'en appelle à un réveil des conscience ! Cyclistes du dimanche : re-levez-vous !

Néanmoins notre farouche épopée à l'assaut de la côte de la rue du Grézillé a bien eu lieu. Nous avons vaincu à de nombreuses reprises ces quelques 400 mètres de bitume rugeux, nous avons dompté à l'envie ces 19 mètres de denivellé. Et puis, encore tout chancelants, nous avons pu contempler la splendeur de la vue : le Lac de Maine s'étalant à nos pieds semblable à un monstre agonisant. Et puis la ville... Que dis-je : La Ville ! Une déesse antique, pleine de sagesse et de fougue, à la fois sauvage et civilisée. Juste récompense pour les purs parmi les purs.

Pour votre gouverne, sachez qu'il y avait deux épreuves. D'abord une épreuve individuelle chronométrée puis, une épreuve groupée où, à chaque ascension le dernier était éliminé jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'un. Belle allégorie du darwinisme cycliste et social ou seul le plus adapté (et souvent en l'occurrence le plus jeune) survit.

Place aux photos :

La Nature s'éveille

Le ciel pour seul témoin

Notre arène

Veloce ? Plus facile à dire qu'à faire
En ce 11 novembre, le Baron Rouge était présent. Il a même survolé une des épreuves

Mais, il a aussi parfois été abattu
Un vieux de la vieille qui s'accroche
Darwinisme cycliste
 Mort subite

La rançon du succès


*
Lorsque le cycliste du dimanche paraît
Victor Hugo

Lorsque le cycliste du dimanche paraît, le cercle de famille
Applaudit à grands cris.
Son doux regard qui brille
Fait briller tous les yeux,
Et les plus tristes fronts, les plus souillés peut-être,
Se dérident soudain à voir le cycliste du dimanche paraître,
Innocent et joyeux.

Soit que juin ait verdi mon seuil, ou que novembre
Fasse autour d'un grand feu vacillant dans la chambre
Les chaises se toucher,
Quand le cycliste du dimanche vient, la joie arrive et nous éclaire.
On rit, on se récrie, on l'appelle, et sa mère
Tremble à le voir pédaler.

Quelquefois nous parlons, en remuant la flamme,
De patrie et de Dieu, des poètes, de l'âme
Qui s'élève en priant ;
Le cycliste du dimanche paraît, adieu le ciel et la patrie
Et les poètes saints ! la grave causerie
S'arrête en souriant.

La nuit, quand l'homme dort, quand l'esprit rêve, à l'heure
Où l'on entend gémir, comme une voix qui pleure,
L'onde entre les roseaux,
Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d'oiseaux.

Cycliste du dimanche, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine
Qui des plus douces fleurs embaume son haleine
Quand vous la respirez ;
Mon âme est la forêt dont les sombres ramures
S'emplissent pour vous seul de suaves murmures
Et de rayons dorés !

Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,
N'ont point mal fait encor ;
Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! cycliste aux cheveux blonds ! bel ange
À l'auréole d'or !

Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.
Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche.
Vos ailes sont d'azur.
Sans le comprendre encor vous regardez le monde.
Double virginité ! corps où rien n'est immonde,
Âme où rien n'est impur !

Il est si beau, le cycliste du dimanche, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,
Laissant errer sa vue étonnée et ravie,
Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers !

Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,
De jamais voir, Seigneur ! l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans le cycliste du dimanche !








6 commentaires:

Carole a dit…

Très étonnée de cet article sur la soi disant disparition des cyclistes du dimanche...
J'ai moi même été rouler dimanche matin et j'ai croisé à peut près une cinquantaine de cyclistes (groupes ou solitaires)
Je pense que la non présence à votre course de côte (très bonne initiative au passage) est plutôt du à un manque de communication ?
J'ajouterai également que les cycliste du dimanche, préfèrent faire 100 bornes, que 10x400m en côtes...

La Tête dans le Guidon a dit…

J'y suis peut-être allé un peu fort dans l'ironie. Je suis loin de penser que le cycliste du dimanche disparaît. Je voulais chambrer toutes les personnes qui avaient dit venir et qui ont eu une panne de réveil.

;-)

Carole a dit…

Ah bon !
Si c'est que ça tant mieux :)

Carole a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Rita a dit…

En tout cas, très bonne idée le cadeau que dis-je la rançon de la victoire !!!!

izoard a dit…

le pire ennemi du cycliste du dimanche ne se couche pas le samedi...