Une icône à brûler

Un matin à l'atelier, je n'en ai pas cru mes yeux lorsqu'à l'ouverture d'un modeste pli j'ai découvert le catalogue 2012 d'une célèbre boîte de pièces. Ce n'est pas la lecture du catalogue en soi qui a été la cause de ma pâmoison. Les produits de cette très vénérable entreprise stéphanoise soit toujours aussi bien pensés et finis... Ce n'est, pas contre, guère le cas de la couverture que vous pouvez admirer...

Je m'explique.

J'attire votre attention sur l'illustration, le reste n'a pas d'importance. Evidemment, tout ceci évoque la détermination et la vitesse. C'est vrai, nous sommes en 2012, nous vivons d'un monde trépidant de modernité et il n'y a pas un instant à perdre. Surtout, si comme cette entrepris,e vous croisez chaque jour le fer avec d'autres manufacturiers du monde entier. Qui plus est, sur un marché où la nouveauté est un des arguments récurrents pour vous vendre un accessoire dont vous n'avez peut-être pas vraiment besoin.

Et c'est là que notre équipe de créatifs à fait sa première boulette ! A y regarder de plus près (et même pas de trop près), ce fier destrier n'est plus de prime jeunesse... Le cadre est en acier. Je vous invite à assister au départ de n'importe que critérium pouilleux. Honnêtement, vous aurez sous vos yeux plus de "plastique" que dans n'importe quelle décharge sauvage de Naples. Le carbone domine ! Attachons-nous maintenant aux vitesses. Nouvelle déception : les sélecteurs sont bêtement posés sur le tube diagonal du cadre ! J'en viens même à me demander si elles sont indexées. Et puis, que dire de ce cycliste de pacotille qui pédale avec les même chaussures que j'affectionnais pendant les 2 mois de ce fameux été des années 90 où je découvrais à la fois Nirvana et que je pouvais me laisser pousser les cheveux (avec probablement une relation de cause à effet indiscutable) ? Chaussures, à l'époque, nettement plus aptes au skate qu'à l'ascension du Tourmalet. Donc, pas de pédales automatiques et même pas de bons vieux cale-pieds, on nage en pleine escroquerie.
Pour un catalogue présentant entre-autres les nouveautés 2012, il semble donc que le boulot graphique ne soit pas à la hauteur. A moins que les dits graphistes aient tablés sur le fait que la très grande majorité des vélocistes ne remarquent pas la supercherie parce qu'affectés pas divers troubles de l'âge : baisse de la vue, perte de repères temporels voire sénilité avancée ?

Mais, il y a encore plus grave, surtout lorsqu'en tant que manufacturier de pièces on s'adresse à des techniciens qui connaissent un tout petit peu leur affaire : c'est quoi cette transmission installée sur la gauche du vélo ? Mon esprit cartésien bouillonne ! La paranoïa s'empare de moi : on me prend pour une grosse quiche qui n'a jamais vu de vélo ! Il y a un complot qui est ourdit contre l'intelligence de ma profession ! Arghh, je deviens fou, c'est trop de provocation. Un petit clic pour changer la symétrie du vélo est passée par là. Tout ça pour que l'autre quinquin nous donne l'impression de pédaler vers le futur !

Il ne reste plus que la mise à mort à effectuer... Tout professionnel du vélo qui se respecte a déjà vu cette image au moins 5 ou 6 fois. Cette image est plus qu'un cliché. C'est bien plus malsain que ça. Cette image est aussi saôulante que "tonton Bernard" qui ressort tous les ans, depuis 25 ans, la même blague pourrie au même moment du repas. Vous savez, c'est cet instant furtif ou votre main se crispe machinalement sur le couteau pendant que de drôles d'images sanglantes traversent furtivement votre esprit. Cette image, je ne peux plus l'encaisser ! J'en veux pour preuve la petite recherche que j'ai entamée sur internet. Et il n'a pas été difficile de faire sortir les quelques occurrences ci-dessous.



Je suis à peu prêt persuadé que cette photo traîne dans une banque d'image libre de droits. C'est même sans doute la première qui apparaît si on cherche le mot "vélo". Or, la chair du graphiste est particulièrement faible.

Il y a des coups de fouet qui se perdent !