mercredi 10 novembre 2010

Acier parlé


Pendant des décennies il était évident qu'un cadre de vélo ne pouvait être qu'en acier. Ce n'est que dans les années 90, que se sont généralisés tous les autres matériaux. Bien sûr, dans le passé certains avaient tenté de prendre de l'avance. Par exemple, en 1936, Pierre Caminade avec son Caminargent tout en aluminium. A l'époque l'aluminium est un matériaux presque réservé à l'aviation. C'est dire que son vélo faisait rêver... Malgré ces quelques exception très majoritairement les vélos en aciers dominaient. En fonction des usages, les alliages pouvaient différer : du bon vieux "Carbolite 103" qu'on voit encore souvent et qu'il faut traduire par "tube de chauffage pas cher mais solide", au Reynolds 531 ou Colombus SLX avec des tailles de tubes différenciées pour alléger les tubes des vélos de compétition.

Aujourd'hui, l'alu s'est démocratisé, on le voit souvent jusque sur des vélos de ville. Et c'est vrai qu'il apporte rigidité et une certaine légèreté, et puis il ne subit pas la corrosion comme l'acier... Malgré tout, il n'est pas très confortable car il "filtre" très mal les vibrations (ce qui parfois à terme le rend sensible aux ruptures). Et puis, sa fabrication est extrêmement gourmande en watts...

Le "carbone" (et autres composites) a chassé l'acier du domaine de la compétition et même en VTT, il tend à s'implanter depuis quelques temps. Il est certain qu'il apporte une grande rigidité et qu'il permet d'imaginer de nouvelles formes. On peut aussi diriger ses fibres en fonction des efforts subis par le cadre, etc. Mais, il reste un matériaux cher, plus en terme de recherche et développement qu'en fabrication d'ailleurs, parce que cette technologie emprunte beaucoup à l'industrie du textile qui n'est pas réputée pour la cherté de sa main d'oeuvre. Et puis, il résiste assez mal aux chocs. Enfin, il y a le côté très peu écologique de ce matériaux : qui peut aujourd'hui me dire comment recycler un mélange de fibre de carbone et de colle époxy ?

Il y a bien le titane. J'avoue que ces spécificités me font rêver : rigide mais filtrant bien les vibrations, léger et extrêmement durable, bien adapté aux pratiquants qui n'ont pas les jambes d'un Contador, esthétique, etc. Mais du fait de sa rareté, son prix reste prohibitif. Et puis, le fait de devoir le souder sous atmosphère contrôlée ne va pas contribuer à sa généralisation.

Vous avez bien compris où je veux en venir... Je reste un indécrottable partisans de l'acier. Aujourd'hui les fabricants comme Reynolds proposent une telle gamme que l'acier semble en mesure de satisfaire la quasi-totalité des pratiquants (sauf les compétiteurs ? Même pas...). Je récapitule ses qualités... Il est très durable, j'en veux pour preuve qu'il n'y a pas une semaine qui passe sans que je ne vois un cadre des années 70 qui ait été repeint. Sans compter les nombre incroyable de vélos quasi "antiques" en circulation... Il est de tous les matériaux le plus simple à produire et par le fait le plus "écologique". Je met des guillemets par que l'industrie sidérurgique reste quand même très polluante. Il est très confortable, il suffit de regarder vers quel matériau se portent les randonneurs au long court. Il est le plus simple à mettre en oeuvre, ce qui dans une optique écologique permet d'entrevoir une relocalisation de l'économie. D'ailleurs, en Amérique du Nord, depuis 10 ans, il y a une vraie floraison de petites entreprises qui proposent un travail artisanal très spécifique et à petite échelle. Le North American Handmade Bicycle Show en témoigne chaque année. J'attends avec impatience un tel mouvement en Europe même si des entreprises comme Vagabonde, Julie Racing Design et autres commencent timidement à apparaître. J'ai bien d'autres arguments en faveur de l'acier mais ils risquent d'être plus subjectifs. Je vais donc en rester là.

Pour finir, je ne dis nullement que les autres matériaux doivent être prohibés. Je pense simplement que ce sont trop souvent des considérations marketing qui ont poussé à leur généralisation. Le besoin d'offrir du changement, du nouveau est rarement connecté à un réel gain en terme d'efficience. Et puis, même (surtout !) dans le vélo, il va nous falloir prendre réellement en compte la crise écologique et aller plus loin que le greenwashing ambiant.

PS > Oui, le vélo en photo est en bambou...

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